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Législatives 2017

Mélenchon vs Cazeneuve : le grand tournant sectaire de la France insoumise

Jean-Luc Mélenchon accuse Bernard Cazeneuve d'avoir une part de responsabilité dans la mort de Rémi Fraisse, à Sivens, en 2014. Cette polémique révèle le tournant gauchiste de la France insoumise, bien loin de la campagne hugolienne de la présidentielle.

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Le secrétaire général de la CFDT s'en est pris jeudi aux principaux candidats à la présidentielle, critiquant Emmanuel Macron pour sa volonté de réformer par ordonnances, et Jean-Luc Mélenchon, en qui il voit un risque de dérive totalitaire.

Jean-Luc Mélenchon s’est doublement métamorphosé en quelques semaines.

AFP

De Victor Hugo en Républicain à Paul Déroulède en gauchiste. l'étrange mutation. Car ainsi s’est doublement métamorphosé Jean-Luc Mélenchon en quelques semaines. Le formidable intellectuel de la campagne présidentielle, hugolien et jaurésien, réincarnation de la figure de l’Instituteur de la IIIe République, s’est mué en tribun identitaire et sectaire pour les élections législatives. Déroulède gauchiste nationaliste et populiste, Mélenchon ne sème plus le grain qui lève en mai et se récolte à l’été, mais la colère qui prospère sur le désespoir et ne produit que de la haine.

La France insoumise est bel et bien l’ivraie de l’ivresse, la représentation quotidienne de la mise en scène de l’ego d’un homme sous couvert de combat pour autrui. La transfiguration est brutale. Et la question qu’elle soulève l’est tout autant. Où est le vrai Mélenchon? Quelle est à la fin la vérité de cet homme?

Plus rien ne paraît arrêter le quatrième candidat de l’élection présidentielle. La tempérance et la tolérance ne sont plus du monde de la France insoumise. L’intransigeance et l’outrance sont désormais les vertus du moment. Jusqu’à formuler l’accusation la plus hallucinante, à savoir laisser entendre que l’ancien Premier ministre de l’Intérieur et Premier ministre Bernard Cazeneuve serait en partie responsable, voire coupable, de la mort de Rémi Fraisse, sur le site de Sivens, en octobre 2014. C’était à Montreuil, le 24 mai dernier, et les caméras de C Politique, sur France 5, ont enregistré l’accusation.

Une logique politique sectaire

Donc, Mélenchon a dit ceci : "Comment il s’appelle là le dernier que son nom m’échappe qui était Premier ministre? Comment vous l’appelez? Oui, Cazeneuve, le gars qui s’est occupé de l’assassinat de Rémi Fraisse".

Puis, il a ajouté: "Le gars qui a fait gazer, matraquer, toutes les manifestations et qui prend maintenant sa tête de petit sainte-nitouche pour dire que c’est moi qui ne sait pas choisir entre le Front national et je sais pas qui. (…) Encore une fois vous essayez de tromper les gens. Encore une fois vous essayez de leur faire peur".

Bernard Cazeneuve, entre indignation et émotion, a annoncé son intention d’en appeler à la justice de son pays. Diffamation dit-il. Nous verrons si ce procès à lieu.

En attendant, le cas Mélenchon est préoccupant. Il dit que le leader de la France insoumise est entrée dans une logique politique sectaire, décidé à rompre toute attache avec les partis républicains modérés. Il dit aussi le processus d'extrême-gauchisation d'une partie de la société politique française.

Le retour de l’agitateur de foules haineuses

Depuis le soir du premier tour de l’élection présidentielle, c’est comme si un autre Mélenchon était revenu d’entre les Mélenchon. Fini le tribun aux accents gaullo-hugoliens de la place de la République. Envolé le grand orateur jaurésien s’adressant à ceux qui n’ont que la Nation pour seul bien. Retour de l’agitateur de foules haineuses, grand manipulateur de passions tristes, entre Déroulède et Chavez. Noir, c'est noir, il n'y a plus d'espoir. La France insoumise, c'est la France qui refuse l'optimisme, l'écho de gauche au Front national.

L’écart est tel entre les deux incarnations que Jean-Luc Mélenchon en a payé le prix. On ne se dérobe par impunément à la charge de s’opposer à une victoire possible du Front national. On ne déserte pas face à Marine Le Pen sans en payer le prix politique. On n’abandonne pas son poste de combat face à l’extrême droite sans mériter son procès en haute trahison républicaine. Mélenchon a pris un risque, il prend aujourd’hui sa perte.

L’opinion a déjà jugé sévèrement l’inspirateur de la France insoumise. Sa cote de popularité personnelle s’est effondrée en quelques jours. Un sondage Elabe a même pointé une chute de 17 points, aussi spectaculaire que sans appel. Une partie de l'électorat qui avait voté Mélenchon de bonne foi se sent aujourd'hui trahi. A juste titre.

Mélenchon a opté pour un choix stratégique qui vise à achever la destruction du Parti socialiste (en parfaite complicité objective avec le mouvement macronien République en Marche) et l’installation à gauche d’un groupe, le sien, qui entend s’installer sur les décombres du PS et du PC (car au passage, Mélenchon a aussi pour objectif d’en finir avec les communistes). Bref, la refondation Macron se double d’une refondation Mélenchon.

Cela étant, si les deux refondateurs et recompositeurs de la vie politique s’entendent sur l’objectif de temps court (ruiner le PS et le transformer en parti vestige de la Ve République), sur temps long, le dessein diffère.

Pas d’autre projet que lui-même

Emmanuel Macron impose une substitution qui accouche d’un parti politique inscrit dans la durée, porté par un progressisme réformateur enfin libéré du surmoi marxiste qui tué le PS à petit feu depuis la fin des années 90, et dont Benoît Hamon a été le dernier avatar mortifère. En marche est fait pour gouverner dans la durée, au gré des alternances entre camp progressiste et camp conservateur (lui-même entrant en phase de mutation). Il est l’achèvement réformiste initié par Mitterrand en 1971, et engendré collatéralement par un PS qui a refusé de muter.

En revanche, Mélenchon n’a pas d’autre projet que lui-même. Il n’est pas question de se doter d’un grand dessein de gouvernement. La France insoumise, par définition, ne saurait vouloir gouverner, puisqu’elle est insoumise. La France insoumise au pouvoir est un oxymore. La France insoumise est un vote inutile pour qui entend changer la vie.

Mélenchon et ses amis rejouent la pièce jouée par les communistes français des années Thorez, Waldeck-Rochet et Marchais. Occuper la gauche de la gauche pour empêcher l’émergence d’une force social-démocrate au centre gauche et attendre le grand soir qui ne vient jamais. L’essentiel est de demeurer dans la pureté révolutionnaire. Et tant pis pour ceux que l’on prétend défendre, qui n’ont plus accès à l’histoire autrement que par de brèves fractures, quand bien même ils façonnent le pays par le travail et par le sang. C’est en cela que la dérive sectaire de Mélenchon trahit l’enseignement de Jaurès.

Mélenchon et sa VIe République, sa constituante, sa France insoumise, son attachement à l’alliance bolivarienne, la secte de ses militants, c’est la promesse de la mort de la gauche au pouvoir pour des décennies. Au mépris du peuple qu’il prétend défendre. Mélenchon n'a d'autre projet pour les électeurs prêts à lui faire confiance que le repli et l'enfermement. Est-ce un projet digne des Lumières dont il se réclame?

A l'Assemblée, tout cela risque de se terminer avec l'élection d'une quinzaine de député. Pas plus. Le prix à payer du splendide isolement politique prôné par Mélenchon. Ici apparaît la vérité politique de l'homme et ce qu'il emporte avec lui. La réalité du Déroulède gauchiste Mélenchon, c’est la vanité. Rien de nouveau sous le soleil rouge.

 

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