Bruxelles, le 26.8.2016

COM(2016) 542 final

RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL ET AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN

sur l'application de la directive 2008/528/CE du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale


1.Introduction

1.1.Objectif

La directive 2008/52/CE sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale 1 , y compris dans le domaine du droit de la famille, vise à faciliter l'accès à des modes alternatifs de règlement des litiges et à favoriser le règlement amiable des litiges en encourageant le recours à la médiation et en veillant à maintenir un rapport équilibré entre médiation et procédures judiciaires. La directive, qui s'applique aux litiges transfrontières relevant du droit civil et du droit commercial, devait être transposée en droit interne au plus tard le 21 mai 2011. La présente évaluation de l’application de la directive est réalisée conformément à l’article 11 de la directive.

L’objectif de garantir un meilleur accès à la justice, qui fait partie de la politique de l’Union européenne visant à instituer un espace de liberté, de sécurité et de justice, comprend l’accès aux modes de règlement des litiges tant judiciaires qu’extrajudiciaires. La médiation permet un règlement extrajudiciaire rapide et peu coûteux des litiges relevant des droits civil et commercial grâce à des procédures adaptées aux besoins des parties. La probabilité est plus grande que les parties respectent volontairement les accords issus de la médiation. Ces avantages sont encore plus patents dans les situations transfrontières.

Si la médiation est généralement fructueuse dans les affaires civiles et commerciales, il convient de souligner son importance particulière dans le domaine du droit de la famille. La médiation peut instaurer un climat constructif, propice à la discussion, et favoriser des échanges équilibrés entre parents. En outre, les solutions à l’amiable sont susceptibles d’être durables et peuvent porter non seulement sur la résidence principale de l'enfant, mais aussi sur les accords concernant les visites ou l'entretien de l'enfant.

1.2.Contexte

La directive a été la première mesure visant à encourager la médiation de façon générale dans les litiges civils et commerciaux. À la suite de l’adoption de la directive, d'autres initiatives ayant trait à la médiation ont été menées au niveau de l’UE:

   depuis 2012, l’amélioration de la qualité, de l’indépendance et de l’efficience des systèmes judiciaires est un thème central du Semestre européen. Le tableau de bord de la justice dans l'UE, qui est une source de données pour le Semestre européen, aide les États membres à améliorer l’efficacité de leurs systèmes judiciaires. Le tableau de bord contient également des données sur les activités entreprises par les États membres pour promouvoir le recours volontaire à des modes alternatifs de règlement des litiges. La Commission encourage la collecte et l’échange d’informations relatives aux pratiques et méthodes visant à promouvoir le recours volontaire aux modes alternatifs de règlement des litiges. La promotion de ces modes de règlement comprend la publicité sur mesure (brochures, séances d’information), la collecte et la publication de données et l’évaluation de l’efficacité des modes alternatifs de règlement des litiges et de la disponibilité de l’aide juridictionnelle pour ces modes de règlement 2 ;

   dans le cadre du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, un groupe de travail a formulé un ensemble de recommandations destinées à accroître le recours à la médiation familiale dans un contexte transfrontière, notamment dans les affaires d’enlèvement d’enfant. Une section distincte consacrée à la médiation transfrontière 3 dans les affaires familiales a été créée sur le portail européen e-Justice pour fournir des informations sur les systèmes nationaux de médiation;

   en outre, par son programme «Justice» 4 , la Commission cofinance divers projets ayant trait à la promotion de la médiation et de la formation des juges et des praticiens du droit;

   enfin, la directive 2013/11/UE relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation (la «directive relative au RELC) 5 et le règlement (UE) n° 524/2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation (le «règlement RLLC») 6 veillent à ce que les consommateurs puissent s'adresser à des entités de règlement extrajudiciaire des litiges de bonne qualité pour tout type de litiges contractuels avec des professionnels et mettent en place une plateforme en ligne à l'échelle de l'UE pour les litiges de consommation qui surviennent à la suite de transactions en ligne avec des professionnels ( www.ec.europa.eu/odr ).

1.3.Sources d'information

Le présent rapport s’appuie sur des informations recueillies auprès de différentes sources:

   en 2013, une étude sur la mise en œuvre de la directive a été réalisée 7 . Cette étude a été actualisée en 2016 8 ;

   un groupe de travail au sein du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale a rédigé, en 2014, une étude sur la promotion de la médiation familiale internationale dans les affaires d’enlèvement international d’enfant;

   les résultats de l'étude et les expériences résultant de l’application de la directive par les États membres ont été examinés lors d’une réunion du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale en juillet 2015;

   enfin, une consultation publique en ligne 9 a été réalisée du 18 septembre au 18 décembre 2015. Elle a recueilli 562 réponses émanant de particuliers intéressés par le sujet, de médiateurs, de juges, de juristes, d’autres praticiens du droit, d'universitaires, d'organisations, d'autorités publiques et d'États membres. 

2.Appréciation générale

L’évaluation révèle que, dans l’ensemble, la directive a apporté une valeur ajoutée de l'UE. Du fait qu'elle a permis de mieux faire connaître aux législateurs nationaux les avantages de la médiation, la mise en œuvre de la directive sur la médiation a eu une incidence considérable sur la législation de plusieurs États membres. L'ampleur de l’incidence de la directive sur les États membres varie selon la situation préexistante de leurs systèmes nationaux de médiation:

   dans 15 États membres, un système complet de médiation était déjà en place avant l’adoption de la directive. Dans ces États membres, la directive a tout au plus entraîné de légères modifications du système;

   dans 9 États membres, la médiation était soit régie par des règles éparses, soit, comme dans le secteur privé, fondée sur l’autorégulation. Dans ces États membres, la transposition de la directive a entraîné l’adoption de modifications considérables du cadre de médiation existant;

   4 États membres ont adopté pour la première fois un système de médiation du fait de la transposition de la directive. Dans ces États membres, la directive a entraîné la mise en place de cadres législatifs adaptés régissant la médiation.

Dans les États où la transposition de la directive a donné lieu à l’adoption de modifications considérables du cadre de médiation existant ou la mise en place d’un système complet de médiation, l'accès aux modes alternatifs de règlement des litiges a été grandement facilité, et la recherche d'un rapport équilibré entre médiation et procédures judiciaires a bien progressé.

Néanmoins, certaines difficultés liées au fonctionnement, dans la pratique, des systèmes nationaux de médiation ont été constatées. Ces difficultés tiennent principalement à l’absence de «culture» de la médiation dans les États membres, à une connaissance insuffisante du mode de traitement des affaires transfrontières, au manque de sensibilisation à la médiation et au fonctionnement des mécanismes de contrôle de la qualité pour les médiateurs. Plusieurs participants à la consultation publique ont affirmé que la médiation n’était pas encore suffisamment connue et qu'il fallait encore un «changement culturel» pour amener les citoyens à faire confiance à la médiation. Ils ont également souligné que les juges et les tribunaux demeuraient peu enclins à inviter les parties à recourir à la médiation.

Les participants à la consultation publique ont reconnu le rôle important de la médiation non seulement dans les litiges commerciaux, mais en particulier dans les affaires relevant du droit de la famille (notamment dans les procédures de garde d'enfant, de droit de visite et d'enlèvement d’enfant).



Points particuliers de l’appréciation

2.1.Données statistiques sur la médiation

L’étude et la consultation publique indiquent qu’il est très difficile d’obtenir des données statistiques complètes sur la médiation, et surtout sur la médiation transfrontière, en ce qui concerne, par exemple le nombre d'affaires soumises à la médiation, la durée moyenne et les taux de réussite des procédures de médiation. Il n’existe notamment pas de données complètes et comparables pour des juridictions entières. Toutefois, lors de la consultation, de nombreux médiateurs ont fourni des données sur leur propre activité, notamment le nombre de médiations réalisées et les taux de réussite - souvent impressionnants. D’autres ont déclaré que les taux de réussite dépendaient du nombre de parties, du sujet traité et de la situation individuelle, des facteurs qui, selon eux, ont également une incidence sur la durée des procédures. D’autres encore regrettaient l'absence d’une base de données fiable, sans laquelle il est très difficile de démontrer le bien-fondé de la médiation et son efficacité et de gagner la confiance du public. Dans l'ensemble, les participants à la consultation semblaient s’accorder sur le fait que la médiation entraîne une réduction appréciable des coûts dans un large éventail de litiges civils et commerciaux et, dans de nombreux cas, diminue considérablement le temps nécessaire au règlement d'un litige.

Bien qu’il soit admis qu'en raison du caractère «non officiel» de la médiation en comparaison avec les procédures judiciaires formelles, il est plus difficile d’obtenir des données complètes sur la médiation, une base de données plus solide serait d’une importance notable pour promouvoir davantage le recours à la médiation. Le réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale a commencé à prendre des mesures pour améliorer la collecte des données nationales sur l’application des instruments de l’Union pour les affaires civiles et commerciales, notamment de la directive 2008/52/CE.

2.2.Champ d’application (article 1, paragraphe 2)

Presque tous les États membres ont élargi le champ d’application de leurs mesures de transposition de la directive pour englober, au-delà des affaires transfrontières, les affaires nationales. Trois États membres seulement ont choisi de ne transposer la directive que pour les affaires transfrontières, en utilisant la définition du terme «transfrontière» énoncée dans la directive. Il faut se féliciter de l’extension du champ d’application aux affaires nationales, car le nombre de ces dernières dépasse de loin celui des affaires transfrontières. Ainsi, les règles de la directive s’appliquent au-delà du champ d’application de celle-ci, au bénéfice des utilisateurs de la médiation. L’extension aux affaires nationales indique aussi l'intention générale des États membres de traiter de la même manière les affaires nationales et transfrontières. Au vu du contenu des règles de la directive, il n’y a en effet aucune raison de faire une distinction entre les deux types d'affaires.

En outre, il convient de faire remarquer que, bien que, dans la pratique, il semble que ce soit dans le domaine du droit de la famille que la médiation soit la plus largement utilisée, la directive s’applique à toutes les affaires civiles et commerciales. L’un des domaines dans lesquels le recours à la médiation est moins répandu est celui des procédures d’insolvabilité. Il y a lieu de rappeler que, dans sa recommandation relative à une nouvelle approche en matière de défaillances et d’insolvabilité des entreprises, la Commission a encouragé la nomination de médiateurs par les juridictions compétentes lorsqu’elles le jugent nécessaire pour aider le débiteur et les créanciers à assurer le bon déroulement des négociations entourant un plan de restructuration.

2.3.Mécanismes de contrôle de la qualité (article 4, paragraphe 1)

2.3.1.Codes de conduite

L’adoption de codes de conduite au niveau national est perçue par les parties prenantes comme un outil important pour garantir la qualité de la médiation. Si 19 États membres requièrent l’élaboration de codes de conduite et l'adhésion à ceux-ci, dans d’autres États membres, en revanche, ce sont les prestataires de services de médiation qui déterminent leurs propres codes de déontologie. Dans certains cas, des États membres ont été au-delà des exigences minimales de la directive, obligeant les médiateurs et organismes de médiation à adhérer aux codes de conduite. Le Code de conduite européen pour les médiateurs 10 est une référence essentielle à cet égard, car il est directement utilisé par les parties prenantes ou a inspiré la rédaction de codes nationaux ou sectoriels. Dans certains États membres, l'adhésion au code européen est prévue par la loi, tandis que, dans d’autres, il est appliqué dans la pratique sans prescription légale. La plupart des parties prenantes ont jugé efficaces les efforts déployés pour encourager les médiateurs et les organismes fournissant les services de médiation requis par la directive à élaborer de leur propre initiative des codes de conduite et à y adhérer. Il apparaît donc qu'en ce qui concerne les codes de conduite, la mise en œuvre de la directive est globalement satisfaisante.

2.3.2.Normes de qualité pour la prestation de services de médiation

Dans 18 États membres, il existe des règles relatives aux mécanismes de contrôle de la qualité pour la prestation de services de médiation. La plupart des États membres ont instauré des procédures d’accréditation obligatoires pour les médiateurs et tiennent des registres des médiateurs. Lorsque la législation ne prévoit ni registres ni procédures d’accréditation, les organismes de médiation ont généralement mis en place leurs propres procédures ou registres. Il existe actuellement toutes sortes de mécanismes de contrôle de la qualité dans l’UE.

Un grand nombre de participants à la consultation, dont beaucoup de médiateurs, se sont montrés favorables à l’élaboration de normes de qualité à l'échelle de l'Union pour la prestation de services de médiation. Les États membres, en revanche, n'ont guère manifesté de soutien en ce sens.

Parmi ces participants en faveur de l'élaboration desdites normes, les uns prônaient l'uniformité des normes à l’échelle de l’UE, nécessaire, selon eux, pour promouvoir davantage le recours à la médiation, tandis que d'autres plaidaient pour des normes minimales assurant la cohérence tout en permettant la prise en compte des différences locales en matière de culture de la médiation. D’autres participants ont souligné le fait que les normes européennes devraient s'inspirer des normes nationales en vigueur les plus élevées afin d’éviter qu’elles ne soient réduites au plus petit dénominateur commun.

Les participants opposés à l'élaboration de normes de qualité au niveau européen ont soutenu que ces normes n'étaient pas nécessaires à la réussite de la médiation, que les normes nationales étaient trop différentes, qu'il fallait laisser aux États membres le soin d'élaborer ces normes ou que l’autorégulation dans chaque marché national était suffisante. Ils ont également mis en avant l'importance des différences culturelles et juridiques entre les États membres en matière de règlement des litiges, qui ont une incidence sur la manière dont les parties ont recours à la médiation. L'uniformité limiterait le choix des consommateurs et donnerait lieu à des litiges. Tout au plus, l’Union européenne devrait-elle promouvoir et faciliter l’échange de bonnes pratiques.

Compte tenu de la réticence des États membres à imposer des normes de qualité contraignantes à l’échelle de l’UE, mais aussi de l'important soutien des parties prenantes, une solution pourrait consister à accorder un financement de l'UE, destiné à aider les parties prenantes à élaborer des normes à l'échelle de l’UE pour la prestation de services de médiation, dans le contexte des travaux du Comité européen de normalisation (CEN) en conformité avec le règlement (UE) n° 1025/2012 relatif à la normalisation européenne, par exemple pour un accord d’atelier du CEN (AACEN). En dépit du fait qu'en principe, les accords d'atelier du CEN doivent pleinement tenir compte du marché, un tel financement est possible s'il est jugé approprié et «nécessaire [...] pour étayer la législation et les politiques de l’Union» 11 . 

2.4.Formation des médiateurs (article 4, paragraphe 2)

17 États membres encouragent la formation ou la réglementent en partie ou en détail dans leur législation nationale. La plupart des États membres, dépassant ainsi les exigences minimales de la directive, réglementent la formation initiale des médiateurs et la rendent obligatoire. Bon nombre d'entre eux imposent également l'obligation de perfectionnement professionnel. Dans les États membres où la formation n’est pas réglementée, les organismes de médiation donnent généralement des formations sur une base volontaire.

Une grande majorité des participants à la consultation ont jugé efficaces les efforts déployés pour encourager la formation initiale et le perfectionnement des médiateurs requis par la directive. D’autres ont souligné l'ampleur des disparités et des divergences entre États membres en ce qui concerne la création, la reconnaissance, la croissance et l'évolution de la profession de médiateur. De leur point de vue, il existe des points communs, mais peu de synergie entre les différents États ce qui concerne la formation et la définition de normes. Ils estiment que le nombre d'heures requis et le contenu de la formation des médiateurs varient considérablement à travers l’Europe.

En ce qui concerne la médiation familiale, le réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale a mis en lumière l’importance, pour les citoyens, de pouvoir s'adresser à des médiateurs spécifiquement formés à la médiation familiale internationale et aux questions d’enlèvement d’enfant.

La Commission, désireuse de continuer à promouvoir la formation des médiateurs, poursuivra le cofinancement de divers projets ayant trait à des formations à la médiation par l’intermédiaire de son programme «Justice».

2.5.Recours à la médiation (article 5, paragraphe 1)

Dans tous les États membres, il est prévu que les juridictions peuvent inviter les parties à recourir à la médiation ou, du moins, à assister à des séances d’information sur la médiation. Dans plusieurs États membres, la participation à ces séances d’information est obligatoire, laissée à l'initiative du juge (par exemple, en République tchèque) ou prévue pour certains litiges définis par la loi, comme les litiges familiaux (Lituanie, Luxembourg, Angleterre et pays de Galles). Dans quelques États membres, les avocats sont tenus d’informer leurs clients de la possibilité de recourir à la médiation ou les demandeurs, lorsqu'ils saisissent une juridiction, doivent confirmer dans leur requête qu'ils ont tenté la médiation ou signaler toute raison qui ferait obstacle à cette tentative. Certains États membres ont mis en place des mécanismes de médiation pour satisfaire aux exigences de procédures spécifiques, par exemple lorsque des délais stricts s’appliquent. Aux Pays-Bas, par exemple, un juge d’avant-procès examinera essentiellement la possibilité de la médiation transfrontière avec les parents qui souhaitent recourir à la médiation dans les affaires d’enlèvement parental. La médiation transfrontière commence le lendemain de l’audience d'avant-procès et se termine dans les trois jours qui suivent. Si la médiation aboutit, son issue est immédiatement présentée au juge saisi de l’affaire. Au Royaume-Uni, à tout moment de la procédure judiciaire, le juge doit examiner si un mode alternatif de règlement des litiges, notamment la médiation, ne pourrait pas convenir pour régler le litige dont il est saisi. Dans ce cas, le juge invitera les parties à recourir à ce mode de règlement.

La grande majorité des parties prenantes ont jugé inefficaces les pratiques visant à inciter les parties à recourir à la médiation. Elles ont déclaré que ces invitations étaient trop rares, parce que les juges ne connaissent pas la médiation ou n'ont pas confiance en elle. Quant aux participants à la consultation ayant jugé ces pratiques efficaces, ils évoquent principalement des affaires de droit familial.

Il ressort de ce qui précède que les pratiques destinées à inciter les parties à recourir à la médiation ne sont pas encore, dans l'ensemble, satisfaisantes, hormis quelques cas spécifiques exposés ci-dessus. Il convient donc de redoubler d'effort au niveau national pour renforcer les systèmes de médiation respectifs existants. Les participants à la consultation ont cité comme particulièrement utiles les mesures suivantes prises au niveau national: exiger des parties qu'elles déclarent dans leurs requêtes introductives d'instance si elles ont tenté la médiation, ce qui rappellera la possibilité de recourir à la médiation non seulement aux juges saisis des affaires, mais aussi aux avocats des parties; assister à des séances d'information obligatoires dans le cadre d'une procédure judiciaire; et obliger les juridictions à envisager la médiation à toutes les étapes des procédures judiciaires, en particulier dans les affaires relevant du droit de la famille.

2.6.Législation rendant le recours à la médiation obligatoire ou le soumettant à des incitations ou à des sanctions (article 5, paragraphe 2)

Il ressort de l’étude que la médiation est obligatoire dans certains cas précis dans cinq États membres. Par exemple, en Italie, la médiation est obligatoire dans de nombreux types de litiges différents, tandis qu'en Hongrie et en Croatie, elle l'est dans certaines affaires familiales.

De nombreux États membres encouragent le recours à la médiation en proposant des incitations financières aux parties. 13 États membres proposent des incitations financières à la médiation sous la forme de réductions ou du remboursement intégral des honoraires et dépens des procédures judiciaires si la médiation permet de parvenir à un accord alors que la procédure judiciaire est suspendue. Par exemple, en Slovaquie, 30 %, 50 % ou 90 % des droits de greffe sont remboursés en fonction de l'étape de la procédure à laquelle un règlement par la voie de la médiation intervient. Dans certains États membres, la médiation elle-même est offerte gratuitement ou à moindre coût selon la situation économique des parties.

Il existe également des incitations financières prenant la forme d’une aide juridictionnelle. Les États membres appliquent des règles différentes pour les différents types de litiges ou processus de médiation. Par exemple, en Allemagne, l’aide juridictionnelle s’applique toujours à la médiation judiciaire, mais est limitée pour la médiation extrajudiciaire. En Slovénie, elle ne s’applique qu’à la médiation judiciaire. Au Luxembourg, une aide juridictionnelle est disponible pour la médiation judiciaire et la médiation familiale réalisées par un médiateur certifié. En Italie, une aide juridictionnelle est disponible pour la médiation obligatoire. À cet égard, il convient de souligner que l’article 10 de la directive 2003/8/CE étend le droit à l'aide juridictionnelle dans les litiges transfrontières aux procédures extrajudiciaires, notamment à la médiation, si la loi impose aux parties de recourir à celles-ci ou si le juge ordonne aux parties au litige d’y recourir.

Cinq États membres utilisent l'imposition de sanctions comme moyen de promouvoir le recours à la médiation. En Hongrie, des sanctions sont infligées aux parties qui, après avoir conclu un accord de médiation, intentent néanmoins une action en justice ou ne s'acquittent pas des obligations qui leur incombent en vertu d’un accord de médiation. En Irlande, des sanctions sont appliquées en cas de refus injustifié d’envisager la médiation. En Italie, la partie ayant obtenu gain de cause dans une procédure contentieuse ne peut être remboursée des dépens, si elle a préalablement rejeté une proposition de médiation dont les conditions étaient les mêmes que celles du jugement rendu. Des sanctions sont également prévues dans les affaires où, la médiation étant obligatoire, les parties n'y ont pas recours et choisissent de saisir les tribunaux. En Pologne, la partie qui, alors qu'elle avait préalablement accepté la médiation, refuse sans justification d'y participer, peut être condamnée à supporter les dépens d'une procédure en justice, quelle qu'en soit l’issue. En Slovénie, la partie qui refuse sans justification que l'affaire soit soumise à la médiation annexée à une juridiction peut être condamnée à supporter tout ou partie des frais judiciaires de la partie adverse.

La question de savoir si la médiation devrait ou non être obligatoire est sujette à controverse. Certaines parties prenantes concluent que l’absence de médiation obligatoire entrave la promotion de la médiation 12 . D’autres, en revanche, estiment que la médiation, de par sa nature même, ne peut être que volontaire pour fonctionner correctement et qu’elle perdrait son attrait par rapport aux procédures judiciaires si elle devenait obligatoire.

Il est important de rappeler que la médiation obligatoire a une incidence sur l’exercice du droit à un recours effectif devant un tribunal, tel qu'il est consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Une majorité de parties prenantes est favorable à une approche plus contraignante de la médiation. Toutefois, une majorité d’États membres et d'universitaires y est opposée. Parmi les partisans d’une approche plus contraignante, un groupe de participants à la consultation a défendu l'idée de rendre la médiation obligatoire pour certaines catégories d'affaires (telles que les affaires commerciales, celles relevant du droit de la famille et du droit du travail ou le règlement des petits litiges). L'idée de rendre la médiation obligatoire pour tout type d’affaire a été soutenue dans une moindre mesure.

De façon générale, peu de soutien a été exprimé en faveur de l'imposition de sanctions en cas de non-recours à la médiation, tandis que la condamnation aux dépens des parties refusant sans motif la médiation a reçu un certain soutien. Les mesures incitant les parties à recourir à la médiation ont globalement obtenu une plus grande adhésion. Les participants à la consultation ont cité quelques exemples de mesures incitatives utiles: la réduction des droits de greffe pour les parties qui ont tenté la médiation avant de déposer leur requête; des déductions fiscales effectives et attractives; la gratuité de la médiation ou, à tout le moins, une aide financière de l'État pour les services de médiation.

Il semble que les mesures incitatives aident à motiver les parties à recourir à la médiation. Le coût du règlement d'un litige est un facteur important qui détermine la décision des parties de tenter la médiation ou d'introduire une action en justice. C'est pourquoi les incitations financières grâce auxquelles il est économiquement plus attractif pour les parties de choisir la médiation plutôt que les procédures judiciaires peuvent être considérées comme une bonne pratique. L’imposition de la médiation dans le cadre d’une procédure judiciaire pourrait être envisagée lorsque les parties risquent - en raison de la nature de leur relation - d'être en désaccord de façon répétée ou même de saisir les tribunaux à plusieurs reprises, comme c'est le cas dans certaines affaires familiales (par exemple, pour le droit de visite des enfants) ou dans des conflits de voisinage. Il convient de souligner le fait que, dans ces affaires également, le droit d'accès à la justice, qui est garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être respecté.

À la lumière de ce qui précède, l’article 5, paragraphe 2, de la directive peut être considéré comme approprié.

2.7.Caractère exécutoire des accords issus de la médiation (article 6)

Tous les États membres prévoient le caractère exécutoire des accords de médiation, comme la directive le requiert. Certains États membres ont été au-delà des dispositions de la directive: la Belgique, la République tchèque, la Hongrie et l’Italie n’exigent pas expressément le consentement de toutes les parties au litige pour qu'une demande tendant à ce que l'accord de médiation soit rendu exécutoire puisse être déposée. En Grèce et en Slovaquie, l'une des parties peut demander que l'accord de médiation soit rendu exécutoire, sans le consentement exprès des autres parties. En droit polonais, les parties, en signant l’accord, acceptent de demander à une juridiction de confirmer le caractère exécutoire de l'accord.

Il peut y avoir des exceptions au principe général du caractère exécutoire des accords de médiation. Ces exceptions peuvent être appliquées, par exemple, lorsque l’accord est contraire à l’ordre public ou va l’encontre de l’intérêt des enfants dans les litiges familiaux.

Une majorité des parties prenantes confirme l'efficacité des pratiques relatives au caractère exécutoire des accords de médiation. Elles ont affirmé qu’il était extrêmement rare qu'un accord de médiation doive être rendu exécutoire. De leur point de vue, en raison de la nature même de la médiation, la probabilité est grande que, les parties ayant donné leur consentement, elles respecteront l’accord. Certains participants à la consultation qui jugent les pratiques non efficaces sont d’avis que tous les accords issus de la médiation devraient être rendus exécutoires indépendamment de la volonté des parties. De fait, afin de garantir l’efficacité de la médiation, une bonne pratique pourrait consister à autoriser l'une des parties à demander que l'accord soit rendu exécutoire même sans le consentement exprès de l’autre partie.

2.8.Confidentialité de la médiation (article 7)

La confidentialité de la médiation est protégée dans tous les États membres, comme le requiert la directive, qui a donc été correctement mise en œuvre. Certains États membres ont été au-delà des dispositions de la directive et ont instauré des règles plus strictes. Par exemple, à Malte, les médiateurs sont tenus à la confidentialité quant à l'existence ou l'absence d'un accord issu d'une médiation, et cette information ne peut être divulguée que si les parties en conviennent expressément par écrit.

Un grand nombre de parties prenantes considèrent que les pratiques relatives à la confidentialité de la médiation sont efficaces. Toutefois, plusieurs participants à la consultation ont relevé le fait que, bien que les médiateurs aient un devoir de confidentialité, il n’existe pas, à leur égard, de droit général de refus de témoigner dont jouissent d’autres professionnels du droit, comme les avocats. Rien ne donne à penser cependant que, dans la pratique, l’article 7 ne protégerait pas suffisamment la confidentialité de la médiation.

2.9.Effets de la médiation sur les délais de prescription (article 8)

Toutes les législations nationales veillent à ce que les parties qui choisissent la médiation ne soient pas empêchées par la suite d’intenter une procédure judiciaire du fait de l'expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation. La directive a donc été correctement mise en œuvre à cet égard.

La suspension des délais de prescription est particulièrement importante dans les cas où la procédure judiciaire prévoit des délais stricts, par exemple dans les procédures de retour d’enfant dans le contexte de l’enlèvement parental.

Un grand nombre de parties prenantes considèrent que les pratiques relatives à la suspension des délais de prescription sont efficaces. Certaines d'entre elles ont souligné que, dans leur État, cette efficacité était garantie par la transposition de la directive en droit national.

2.10.Information du public (article 9)

13 États membres ont inclus dans leur législation nationale l’obligation de diffuser des informations sur la médiation. Toute une série de mesures ont été adoptées pour informer les citoyens et les entreprises sur la médiation (par exemple, des informations en ligne sur les sites web des organismes nationaux compétents, des conférences publiques, des campagnes publicitaires publiques, des spots télévisés, des émissions de radio, des affiches, etc.). Dans tous les États membres, les associations de médiateurs, les ordres d’avocats ou les médiateurs eux-mêmes fournissent des informations sur les avantages de la médiation, ainsi que des informations pratiques utiles sur le coût et la procédure.

L’étude montre pourtant que la sensibilisation à la médiation reste faible et que les parties qui pourraient y recourir disposent de peu d'information à son sujet. L’efficacité des services de médiation en est amoindrie, comme le confirment des parties prenantes dans 18 États membres. Les informations manquent non seulement pour les parties, mais aussi pour les professionnels du droit, ce qui constitue, dans dix États membres au moins, un obstacle supplémentaire à la perspective d'une généralisation du recours à la médiation. Lors de la consultation, une majorité de participants ont déclaré que la diffusion d’informations destinées au grand public n'était pas efficace. Nombre de ceux qui, au contraire, la jugent efficace ont affirmé que les informations les plus efficaces étaient celles publiées sur l’internet, notamment par les tribunaux, les ministères, les organismes de médiation ou les chambres de commerce. Les autres mécanismes efficaces cités sont les brochures d’information, les visites personnelles au tribunal ou les manifestations d'information comme les journées de la médiation.

La Commission européenne cofinance des projets visant à promouvoir la médiation au moyen de son programme «Justice». En outre, sur le site web du portail européen e-Justice 13 , il existe une grande quantité d’informations disponibles sur les systèmes de médiation des États membres et sur les personnes à contacter. Il conviendrait d’explorer, au moyen du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, comment il serait possible de faire davantage connaître les informations disponibles.

3.Conclusions

La directive sur la médiation avait pour but de faciliter l’accès à des modes alternatifs de règlement des litiges, de favoriser le règlement amiable des litiges et de veiller à ce que les parties qui recourent à la médiation puissent s'appuyer sur un cadre juridique prévisible. Cet objectif stratégique est toujours valable aujourd'hui et pour l'avenir: la médiation peut aider à éviter les procédures judiciaires inutiles et coûteuses pour le contribuable, et contribuer à réduire la durée et le coût des actions en justice. À long terme, il peut créer une culture non litigieuse dans laquelle il n’y a ni gagnants ni perdants, mais des partenaires. La directive sur la médiation a introduit différentes façons de promouvoir le règlement amiable des litiges transfrontières relevant des droits civil et commercial et a mis en place un cadre européen pour la médiation, qui est un mode extrajudiciaire ou alternatif de règlement des conflits.

Sur la base de cette étude, de la consultation publique en ligne et des débats menés avec les États membres au sein du réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale, il apparaît que la mise en œuvre de la directive sur la médiation a eu une incidence considérable sur la législation de nombreux États membres. Outre qu'elle a défini certaines exigences essentielles pour l'utilisation de la médiation dans les litiges transfrontières relevant des droits civil et commercial, la directive a lancé, dans toute l'UE, une dynamique poussant à recourir plus largement à la médiation même dans un contexte purement national. Ce phénomène est dû en particulier au fait que la plupart des États membres ont élargi aux affaires nationales le champ d’application de leurs mesures de transposition de la directive. Dans l’ensemble, la directive a apporté une valeur ajoutée de l'UE en faisant mieux connaître aux législateurs nationaux les avantages de la médiation, en instaurant des systèmes de médiation ou en incitant à l'élargissement des systèmes de médiation existants.

L'ampleur de l’incidence de la directive sur les États membres varie en fonction de la situation préexistante de leurs systèmes nationaux de médiation. Les difficultés auxquelles se heurtent les systèmes nationaux de médiation dans la pratique sont principalement liées à la tradition accusatoire qui prévaut dans de nombreux États membres, à une sensibilisation souvent faible à la médiation et au fonctionnement des mécanismes de contrôle de la qualité.

L’évaluation révèle qu’il n’y a pas lieu, à ce stade, de réviser la directive, mais que son application peut encore être améliorée:

   les États membres devraient, lorsqu'ils le jugent nécessaire et approprié, redoubler d'effort pour promouvoir et encourager le recours à la médiation par différents moyens et mécanismes prévus dans la directive et examinés dans le présent rapport. Il conviendrait notamment de déployer des efforts supplémentaires au niveau national pour augmenter le nombre d'affaires dans lesquelles les juridictions invitent les parties à recourir à la médiation pour régler leur litige. Peuvent être considérés comme des exemples de bonne pratique à cet égard: l'obligation des parties de préciser dans leurs requêtes introductives d'instance si la médiation a été tentée; notamment dans les affaires relevant du droit de la famille, la participation à des séances d'information obligatoires dans le cadre d'une procédure judiciaire et l'obligation des juridictions d'envisager la médiation à chaque étape des procédures judiciaires; l'adoption de mesures d'incitation financière pour qu'il soit économiquement plus attractif pour les parties de recourir à la médiation au lieu d'intenter une action en justice; la possibilité de rendre un accord exécutoire sans nécessairement exiger le consentement de toutes les parties à l'accord;

   la Commission continuera de cofinancer les projets ayant trait à la médiation au moyen de son programme «Justice». Il est en principe également possible d'accorder un financement de l’UE à des projets lancés à l'initiative de parties prenantes en vue d'élaborer des normes de qualité à l'échelle européenne pour la prestation de services de médiation. En outre, la Commission continuera de consulter le réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale afin de promouvoir davantage le recours à la médiation, par exemple en vue de créer une base de données plus solide sur le recours à la médiation et de sensibiliser davantage le public, notamment en faisant connaître les informations disponibles sur le site web du portail européen e-Justice sur les systèmes de médiation des États membres. 

(1)

JO L 136 du 24.5.2008, p. 3.

(2)

 Voir http://ec.europa.eu/justice/effective-justice/files/justice_scoreboard_2016_fr.pdf

(3)

  https://e-justice.europa.eu/content_crossborder_family_mediation-372-fr.do  

(4)

Pour de plus amples informations, voir: http://ec.europa.eu/justice/grants1/programmes-2014-2020/justice/index_fr.htm

(5)

JO L 165 du 18.6.2013, p. 63.

(6)

JO L 165 du 18.6.2013, p. 1.

(7)

  http://bookshop.europa.eu/fr/study-for-an-evaluation-and-implementation-of-directive-2008-52-ec-the-mediation-directive--pbDS0114825/

(8)

  http://bookshop.europa.eu/is-bin/INTERSHOP.enfinity/WFS/EU-Bookshop-Site/fr_FR/-/EUR/ViewPublication-Start?PublicationKey=DS0216335

(9)

  http://ec.europa.eu/justice/newsroom/civil/opinion/150910_en.htm

(10)

http://ec.europa.eu/civiljustice/adr/adr_ec_code_conduct_fr.pdf

(11)

Voir l'article 15, paragraphe 1, point a), du règlement (UE) nº 1025/2012, JO L 316 du 14.11.2012, p. 12.

(12)

Voir l'étude du Parlement européen: "‘Rebooting’ the mediation directive":

http://www.europarl.europa.eu/thinktank/fr/document.html?reference=IPOL-JURI_ET(2014)493042

(13)

  https://e-justice.europa.eu/content_mediation_in_member_states-64-fr.do