Sur la pile

Vaccins obligatoires, le risque de la confusion

Alors que la ministre de la Santé a confirmé jeudi que onze vaccins deviendraient obligatoires le 1er janvier, un livre de la journaliste scientifique Lise Barnéoud vient opportunément éclairer le débat.
par Eric Favereau
publié le 31 août 2017 à 17h49

Au 1er janvier prochain, ce ne sont plus trois mais onze vaccins qui seront obligatoires pour la petite enfance. La ministre de la Santé l'a confirmé encore, jeudi matin, sur CNews : «Nous laisserons évidemment le temps aux familles de se mettre en ordre de marche car il est hors de question de pousser les gens à vacciner dans l'urgence, a insisté Agnès Buzyn. Mais l'idée est que les 15% des enfants non vaccinés – qui mettent en danger les autres et qui favorisent la réemergence d'épidémies pour lesquelles il y a des morts aujourd'hui – se mettent en ordre de marche pour protéger le reste de la population.» Bref, à l'entendre c'est clair, il s'agit d'une évidence sanitaire, doublée d'une urgence de santé publique.

La ministre de la Santé a le bon sens pour elle, mais cela suffit-il ? Ne pourrait-on pas faire une pause un instant, ouvrir la fenêtre des débats et discuter sans présupposés et sans généralisations trompeuses ? De ce point de vue, le livre d'une journaliste scientifique indépendante, Lise Barnéoud (1), est particulièrement utile : si l'auteur se dit bien sûr favorable à la vaccination, elle s'interroge sur la nature du débat en cours. Et sur les arguments avancés. «Se faire vacciner, c'est se protéger et protéger les autres, entend-on régulièrement», note ainsi Lise Barnéoud. Un argument de solidarité, fortement repris par la ministre. Elle rappelle, d'abord, qu'à l'origine la vaccination n'a pas été conçue comme une protection collective… «Au XVIIIe et XIXe siècle, l'inoculation n'était envisagée que d'un point de vue individuel.»

Argument mensonger

Ce n'est que vers les années 1920 que l'aspect collectif est mis systématiquement en avant. «Ce qui est cocasse, c'est de réaliser qu'aujourd'hui, les trois vaccins obligatoires n'ont pas – ou très peu – d'impact sur la protection collective. Ces trois vaccins sont même les plus égoïstes qu'ils soient», constate Lise Barnéoud. Le tétanos n'est pas une maladie contagieuse. Sur la polio, le vaccin utilisé protège la personne, mais celle-ci reste contagieuse ; de même pour la diphtérie. Et pourtant, tous les trois sont actuellement obligatoires.

Cela n'enlève en rien l'intérêt de cette vaccination pour la personne, mais l'argument avancé est plutôt mensonger. En ces temps de méfiance chronique, ce n'est peut-être pas la meilleure façon de convaincre. «En réalité, si ces trois vaccins sont les seuls obligatoires, c'est qu'ils font partie des premiers vaccins mis au point à une époque où la contrainte constituait la pierre angulaire de notre politique vaccinale», écrit Lise Barnéoud. Or, les temps ont changé, les perceptions ne sont plus les mêmes, les outils sanitaires non plus.

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La ministre souhaite néanmoins que huit autres vaccins, aujourd'hui seulement recommandés (coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, bactérie Haemophilus influenzae, pneumocoque, méningocoque C), soient rendus obligatoires. L'obligation, pourquoi pas ? Mais faut-il rappeler que ces maladies ne se ressemblent pas et posent des questions de santé publiques différentes. De ce fait, leur mélange dans une même politique vaccinale peut dérouter. Prenons le cas de la rubéole. Voilà une maladie absolument anodine, sauf pour le fœtus. Et l'on décide de vacciner tous les nourrissons pour protéger… les futures femmes enceintes. C'est assurément «le vaccin le plus altruiste», note la journaliste. Le vaccin contre les oreillons ? «On peut dire que se faire vacciner contre les oreillons est un acte purement altruiste de la part des filles, car cette maladie n'a que très rarement d'effets secondaires sur elles. Mais si ce vaccin est aujourd'hui recommandé pour l'ensemble de la population, c'est pour protéger les garçons post-pubères d'inflammation douloureuse des testicules.» Non sans ironie, la journaliste constate que l'on ne demande pas aux garçons de se faire vacciner contre le papillomavirus, un virus qui provoque le cancer du col de l'utérus.

Caricature

Très logiquement, on voit que les arguments pour la vaccination varient selon le type de vaccin et selon le type de pathologie, et que toute simplification tourne à la caricature. Non sans raison, Lise Barnéoud poursuit en évoquant le vaccin contre la grippe. Schématiquement, le virus est dangereux  pour les personnes âgées et les personnes immunodéprimées. Or, le vaccin contre la grippe marche mal chez les personnes âgées (moins de 20%). Si l’on met en avant des arguments d’efficacité, le mieux serait alors de vacciner massivement les enfants, car par ricochet leur vaccination réduirait fortement l’épidémie… en particulier chez les séniors. Or, ce n’est pas du tout la politique menée par les autorités sanitaires, puisque le vaccin contre la grippe n’est aujourd’hui recommandé et remboursé qu’aux personnes de plus de 65 ans. Cherchez la cohérence…

«Mon objectif n'est pas de sanctionner, a insisté la ministre de la Santé. L'objectif de cette obligation c'est de rendre la confiance aux Français». Certes… Mais comment établir la confiance sans un débat sur les faits et non pas sur ce qui peut s'apparenter parfois à des postures ?

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«Immunisés? Un nouveau regard sur les vaccins», Lise Barnéoud, aux éditions Premier Parallèle, 18 euros, 240 pages

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