Blog AGHZAF Abdelmalek :Création littéraire :

NOUVELLE INÉDITE : À la quête de la fleur de Grasse

Nouvelle in dite la qu te de la fleur de grasse

       NOUVELLE INÉDITE : 

                                            À la quête de la fleur de Grasse,

Quand nous nous rencontrâmes à la villa Gillet, à la Croix Rousse, à Lyon pour le Colloque des Échanges Interculturels Méditerranéens, en 1999 (Colloque organisé par la M.A.F.P.N.), c'était sous le signe du rapprochement des peuples et des civilisations tout autour du bassin méditerranéen.

Nos travaux des ateliers nous permirent de faire amplement connaissance, durant quinze jours, avec des collègues tunisiens, algériens, marocains et français de tous bords. 

Une des thématiques ayant retenu notre attention, et qui fut sujet à débat, était l'aspect floral des cités, des villes, des villages,( comme le village médiéval : Pérouges), des quartiers, des ruelles, ( les Traboules, dans le Vieux Lyon ) et des parcs (comme le Parc de la Tête d'Or ) !

La diversité de culture, la formation pédagogique et la connaissance livresque firent que des affinités s'établirent, des amitiés se nouèrent et des contacts ultérieurs au colloque allaient se faire entre les membres des différents groupes. Une des finalités visées par les organisateurs !

Madame I.J., grassoise, m'invita chez elle, dans sa commune de Grasse, la capitale mondiale des parfums et des fleurs, dans les Alpes-Maritimes.

Ainsi, nous nous donnâmes rendez-vous deux ans plus tard.

Elle se proposa de me faire visiter et découvrir les trésors floraux et olfactifs de sa ville afin de m'en imprégner - ayant su que j'avais ce penchant de poète vers les parfums, les fleurs et l'odeur des petits bois.

En effet, dans mon enfance et ma jeunesse, mes moments de bonheur étaient ces longues promenades dans les pinèdes, les cédrées, tout autour de ma ville natale : Azrou. Ce qui m'avait beaucoup marqué. J'eus très tôt la vocation d'aimer cet élixir de la Nature et, depuis, je ne pouvais m'en passer.

Arrivé à Grasse, je devais suivre le plan qui me fut envoyé par ma correspondante, sans faute, pour ne pas m'égarer, ni dans les sentiers si étroits, ni dans les quartiers si espacés et si loin les uns des autres.

Nous devions nous rencontrer au coin de la rue de l'Oratoire, Grasse, Centre historique. Il fallait aussi marcher jusqu'au Cours et Notre Dame des Fleurs/Montelly, afin de récupérer son véhicule et nous diriger tout d'abord à l'hôtel Bonnamour où j'avais pu me réserver une chambre quelques temps à l'avance, via le site Internet, pour une petite semaine.

Le programme que I.J. me réservait était des plus chargés pour cette petite semaine, car elle voulait réellement me faire connaître le maximum de choses de sa ville, Grasse.

La visite de la maison du patrimoine Grasse : ville d'art et d'histoire de la préhistoire au XXIe siècle où je devais me rendre compte du savoir-faire des Grassois, de génération en génération.

Une chambre d'hôtel au boulevard Pasteur était un bon choix, c'était presque le centre de la ville. Cela me permettait de commencer mon périple de découverte du trésor floral de cette cité par la visite de la parfumerie Fragonard, puis suivre l'avenue Pierre Zillet, Magagnosc, pour aller visiter Châteauneuf-de-Grasse. Sur les bords de la route , on pourrait voir défiler les bougainvilliers, les iris de toutes les couleurs, de toutes les formes, répandant une sorte de lumière, de transparence dans la brèche entre le ciel bleu serein, l'intellect et les sentiments qui nous animaient.

Ma compagne et mon amie I.J. était, on ne pouvait plus, heureuse, fière et plus bavarde que d'habitude. Je la comprenais !

Elle parlait, elle parlait afin de faire apprécier les parcours, les lieux de visite ou de promenade.

Ce ne fut qu'en traversant la Blanquière ou "Les fleurs de Grasse, de "Blachia" : terre parsemée de chênes, que je m'aperçus de la beauté, du secret des splendeurs florales de cette commune.

De l'autre côté, il nous fallait prendre la route de Plascassier jusqu'au lieu dit : Châteauneuf-de-Grasse, lieu quasi mythique, puisqu'il représentait la dernière demeure avant de s'éteindre, de la célébrissime chanteuse des années cinquante et soixante du siècle dernier : Édith Piaf. Elle y a vécu ses derniers jours, paraît-il !

Oui, cette chanteuse que je découvris, très tôt, en mon enfance, sur une pochette d'un 33 tours et dont j'entendais la voix interpréter ses succès à la maison de Georges Dubouneau, patron de mon père dans l'entreprise coloniale française qui exploitait les ressources minières du Moyen Atlas.

Que de souvenirs !

Le présent me paraissait venir compléter le passé, sans hiatus.

J'étais dans la continuité.

Je ne savais pourtant pas pourquoi je gardais encore ces jours-là, durant mon court séjour chez mon amie I.J. les mêmes interférences livresques qui m'obsédaient l'esprit en flânant à travers les bois de la banlieue de Grasse.

Je me rappelais les"Rêveries du promeneur Solitaire" de Jean Jacques Rousseau dans le vallon des Charmettes que j'avais visité tout au début des échanges interculturels à Annecy. Je me souvins de cette phrase, entre autres :"(...) j'ai peu vu d'hommes heureux, peut-être point, mais j'ai souvent vu des cœurs contents..."

Ah ! La beauté du site, du bois, du sous-bois, de cette propriété hantée par l'esprit du grand philosophe et les fleurs comme ici à Grasse, en compagnie de la plus gracieuse des fleurs entre les fleurs : I.J. Elle ne pouvait être que l'unique et rarissime rose/fleur des champs dans l'absolu !

Moi, qui faisais ce périple pour découvrir La Fleur ! Il me semblait l'avoir trouvée. Son nom : tous les noms des fleurs et roses de Grasse. Elle, la gracieuse parmi les Grassoises !

Dans mes rêveries solitaires, je pensais aussi à Julien Sorel et son idylle avec Madame De Rénal, avant d'aller à la conquête de Paris et s'éprendre de la fille du Pair de France, Mathilde : une autre fleur parmi les fleurs du champs de Mars près de la Tour Eiffel !

Dans mon esprit foisonnaient des images où s'alternaient des phrases de méditation et de torpeur. Je semblais être transcendé par un chaos nietzschéen qui finissait par m'animer intensément mais qu'il me fallait désespérément ordonner, sans me laisser perdre dans la confusion et l'embarras.

J'étais toujours un enfant et j'avais besoin d'un guide pour pouvoir raconter plus tard une histoire romancée.

J'optai alors pour la simplicité, au contact direct, au rôle de récepteur. Je me préparais à tout et à rien. Je décidai de laisser "le hasard" faire son travail providentiel.

Il était visible que je me perdais en différentes idées improductives qui me menaient toujours au questionnement sur l'absurdité et l'absurde de la vie, sur la Candeur de mon esprit, sur la naïveté de mes décisions.

Mon voyage allait finir trop vite à mon goût !

Je suis venu. Je l'ai vue, ma fleur. Je vainquis ma peur et ma timidité.

Je devais prendre mon envol vers mes terres, mon Bled et mes histoires à ne pas en finir ! Riche de connaissance, de découvertes, guéri de mon Mal, l'esprit ressourcé, rajeuni de cœur et de raison, avec surtout une joie de vivre et même très longtemps !

       Abdelmalek AGHZAF,

                                          Ksar El-Kébir, le 28/03/2014.

Ville de Grasse, capitale mondiale des parfums et des fleurs.

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L'INITIATION DE CABANGA

            Nouvelle :                                              

                        L’INITIATION DE CABANGA, 

       Cabanga remémorait les conseils des  ancêtres  pour se donner le courage qui lui manquait ou qu’il lui fallait dans pareille nuit de solitude vouée à l’initiation. Pendant  un moment, il crût qu’il allait passer la nuit, toute entière, tout éveillé, alerte, l’esprit et le corps prêts à toute éventualité, surtout, celles des plus graves, des plus sinistres, s’imaginant à plusieurs reprises être proie de certains dangereux carnivores de la savane, surtout, quand certains ,affamés, seraient  attirés par l’odeur du Vivant que la brise nocturne, se levant, portait à leurs naseaux expérimentés. Être proie à leurs crocs acérés, déchiqueté en plusieurs endroits, faisait que son souffle se précipitait au rythme saccadé de son cœur battant la chamade,…

 

        Dans les oreilles, il avait encore le résonnement de la fête célébrée à son honneur, la veille de son voyage initiatique : Ce fut le vacarme où se mêlaient les youyous des femmes, les vociférations anonymes, les cris de joie, les chants de victoire des jeunes cousins, aux bruits des tamtams et des tambours et cette danse improvisée :  danse des esprits, transe envoûtant tout le village en fête à l’honneur des ancêtres et à leur tradition éternelle.

 

       Lui, Cabanga, le demi-dieu, petit-fils du Chaman. L’élu, parmi les siens, que toutes les voyances préconisaient comme l’homme au singulier destin. Beaucoup de signes montrèrent dès sa petite enfance qu’il ne pouvait être touché d’aucune épidémie qui sévissait  en cette région d'Afrique, engloutissant son village dans une débâcle des plus sinistres, imposant à sa famille la fuite dans une autre contrée où le désastre ne se montrait pas encore.

 

       Lui, que toutes les cousines se disputaient la bonne compagnie dans leurs jeux puérils. Elles, aux atours de bonnes intentions, parfaitement excisées, prêtes à l'accouplement et à l'enfantement,  avec leurs poitrines alléchantes, brillant au contact de ce soleil d’Afrique, grâce à l’enduit  argileux rougeâtre  mélangé à de la sève de l'hévéa, une sorte de latex qu'on extrayait de l'arbre sur pied : onction prescrite par les Chamans-femmes pour se protéger des rayons solaires et d’adoucir la pigmentation de la peau de jour comme de nuit, ou durant les soirées de transe, dédiées au souvenir des morts et à la mémoire des ancêtres. Ces soirées masquées, rythmées qui duraient jusqu'à ce que Le jour ait pointé à l'horizon, avec les couleurs sobres de l'aube, comme pour exorciser les esprits de la forêt.

       Lui, toujours, que les jeunes de son âge jalousaient durant les concours de chasse à la gazelle alezane et au zèbre fougueux, où il avait les meilleures chances, sachant manipuler aussi bien la sarbacane que le javelot et le tir à l’arc.

       Il avait à penser  à son initiation au monde des ancêtres, à la chasse du surlendemain, à la reconnaissance des dieux de la forêt, de la savane et de la jungle,  en sympathisant avec tous les Totems, dans sa retraite initiatique.

       Mais son esprit ne pouvait s'empêcher d'être étiré, tantôt, vers le souvenir des siens, tantôt, étiré vers la sacralité de ces moments de méditation chamanistique .

        Il lui fallait percer les secrets de la connaissance et de la sagesse des Chamans. Devenir maître de soi et du reste du monde, surtout des vivants féroces dans ces lieux hostiles.

       Seul, plongeant dans la nuit à la voûte céleste et étoilée, captant la magie de l’univers infini, face à tous les dangers imprévisibles annoncés par les fauves de la jungle.

       Il se souvint des danses mixtes des fiançailles, où, seul, lui, pouvait bien aimanter l’attention de l’assistance, sous le regard observateur des sages et du Chaman : le blanc des yeux était si limpide, la blancheur de sa dentition ne  pouvait être égalée que par les neiges éternelles des cimes du Kilimandjaro.

       Il avait de ces atouts secrets des dieux, l'inspiration et le don d'attirer ainsi vers lui toutes les bonnes et les meilleures intentions de tous. Il savait qu’il allait maintenant prendre la voie de la connaissance, le chemin de la sagesse. Son initiation allait le changer, le transformer, l’élever au rang des adultes :  chef guerrier, sage et Chaman.

        Pendant quinze jours et quinze nuits, il devait se mesurer à la Nature, en domptant sa peur, en plongeant au fond de soi pour une sorte de mise à jour de ses sentiments, ses sensations, sa haine, son amour, sa cruauté, sa générosité,… TOUT Y PASSERAIT ! Comme un diagnostic médical général. Sa mission était cela. Elle lui incombait par la décision des sages de sa tribu : lui, l’élu, parmi les jeunes.

 

       CABANGA, en ce stade initiatique, était au bord de la rivière sacrée, au coucher du soleil, à la quête d’un abri nocturne, pour ainsi, se protéger de l’orage qui s’annonçait et des animaux sauvages qui devaient rôder, toute la nuit, à la recherche d’une nourriture.

 

       Perché, et à califourchon, sur une branche d’un baobab centenaire. Ce fut là le lieu où il choisit d'élire domicile pour la nuit, loin des siens et des vivants parmi son espèce. S'il avait faim, il pouvait toujours se nourrir de ses fruits ovoïdes, ces (pains de singe), très connus chez lui.

 

       Pourrait-il dormir ? Non, le sommeil paraissait loin encore de ses préoccupations immédiates.

 

       Il avait à penser à ce choix et à méditer longuement sur sa décision de rester parmi les siens, perpétuant par cet acte le legs des aïeux et honorer la mémoire des ancêtres. Pour lui, il le savait déjà et allait en avoir le cœur net. Une certitude : ne jamais aller s’installer en ville afin de ne jamais souiller son âme par la magie du monde urbain, ni rêver, comme le faisaient certains jeunes de son village, quitter la tribu, le pays, l’Afrique pour prendre les barques de la mort aux mers lointaines, ou errer comme une hyène dans le grand désert, en se faufilant entre les frontières des pays du Nord, tomber dans l’oubli des siens et subir la malédiction des mages de sa tribu.

 

     Non, pour lui, ce rêve-là, celui de vendre son âme  au mauvais esprit Blanc, ne le tentait pas.

 

     Pauvreté, parmi les siens valait mieux qu’une richesse chez les étrangers.

 

        Lui, Cabanga, le négro-africain, riche de son patrimoine, de son Histoire et de sa négritude spécifique. Voilà, se disait-il, sa vraie voie vers la sagesse.

 

        Être arbre africain et le rester indéfiniment, pour toujours, sur sa propre terre. Connaissant chaque pierre, chaque plante et sachant leurs secrets dans la multitude des variétés utiles et nécessaires à la survie dans cette partie du monde, en vénérant la Nature, comme mère procréatrice et nourricière.

 

        Sur le coup, il se souvint d’une histoire qui lui fut racontée par son grand-père, un soir d’hiver, autour d’un foyer de feu, relatant l’arrivée des Blancs en leur oiseau de fer, dans la savane, afin de chasser les éléphants pour leur émail, les lions pour leurs pelage et toison et les rhinocéroces pour leur corne. Ils finirent par trouver l’exotisme des lieux à leur goût et s’installèrent dans le pays, après avoir chassé les habitants autochtones de leur terre natale. Voilà leurs bienfaits, eux, les Blancs. Alors, ce n’était pas maintenant qu’il fallait aller quémander à leurs portes !!!

 

       Rester ici et garder la mémoire des siens étaient bien là l’objet même de son initiation et le sens de la responsabilité qui allait peser sur ses épaules. Il en était bien conscient, si fier, ne serait ce qu’en ce moment où il pensa à tout ça, perché sur son arbre, admirant la beauté magique du ciel où des milliers et des milliers de perles scintillaient, avec, à l’horizon, déjà, l’Etoile du Berger illuminant l’espace, tel un phare annonçant l’approche de l’aube.

 

       Capter cette magie nocturne en ces lieux luxuriants, loin des humains, proche de la Nature, où foisonnaient la  flore et la faune, ne pouvait être qu'un privilège pour lui, en quelque sorte, et lui soufflait le message de la fierté et du courage. Il n’avait plus aucune peur.

 

       Sa méditation se renforçait par la mémoire, par le souvenir et par la projection dans le futur proche et l’avenir lointain.

 

       Des jours passèrent, des nuits suivirent, les mêmes rêves, les mêmes méditations, les mêmes réflexions, les mêmes alertes et les mêmes préoccupations, jusqu’au lendemain du dernier jour où il sursauta avec l’élan svelte et véhément d'une gazelle. D’un geste, il se détacha de la haute et grosse branche, sa literie préférée, à laquelle il se recroquevilla en s’y accrochant des bras et des jambes. Ce fut tout un art de connaisseurs.

 

       D’un saut si habile, il se trouva au milieu du tumulte. On l’embrassa de partout, on le touchait de tous les côtés, pour ainsi avoir une sorte de bénédiction. Sa mère, ses tantes, étaient toutes fières, semblaient préoccupées, d'abord, par sa santé et puis, heureuses, elles lancèrent leur long youyou de joie et de bonheur d’avoir, enfin, leur ÉLU. Brandissant tout en dansant leurs fétiches de la tribu.

       Les sages, en demi-cercle, entourés des deux côtés, des hommes du village, suivaient avec intérêt la scène, tout en échangeant des propos de satisfaction. Le Chaman, quant à lui, acquiessait, en recevant les félicitations, fusant de partout. Il devait penser déjà à la cérémonie qui allait suivre cet événement solennel et les festivités  qui dureraient trois jours et trois nuits de suite. Cela se clôturerait, dans le respect total des traditions, par les noces avec la cousine aînée, dans la case nouvellement construite , pour cet effet, non loin  de la sienne.

       Ainsi, Cabanga fut annoncé officiellement et solennellement : Jeune Chaman de la tribu du Tigre de la savane. Il portera ce titre avec celui du Totem du village : Le Chaman -Tigre, pour le restant de sa vie!

       Des générations et des générations se raconteront certainement cet avènement et deviendra peut-être même un mythe. Celui du Chaman -Tigre ! ! !

                                     Abdelmalek AGHZAF,

                   Fès, le31/08/2008, réédité, le 08/03/2014.

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NOUVELLES INÉDITES : L'INCESTE, l'initiation de Cabanga

 

                                        Nouvelle :

                                                         L'INCESTE

 

            Des confins d'une oasis, où, a cause de la rareté des pluies, la terre devint si avare et le travail se fit rare. Mbark décida, ce matin-là de migrer vers une autre contrée où la vie pourrait être plus clémente et plus généreuse.

            Il ne savait ni lire ni écrire. Il n'avait de science que la connaissance des différentes espèces de palmiers dattiers, des diverses appellations de dattes. Il acquît le savoir, de père en fils, de ce que donnait la terre, dans ce coin retiré du Maroc, où le désert était de tout temps une menace inéluctable.

           Arrivé à Fass, il s'installa dans le quartier populaire de Boutouil. Très vite, il fit connaissance d'autres personnes, d'autres familles sahraouies, venues et établies, des dizaines d'années déjà.

           Un jour, il fut convié à une fête de mariage d'un cousin lointain. Comme il accompagnait le cortège qui allait demander la main de la jeune femme à marier, dans le brouhaha, le you you des femmes , les chants consacrés à la "Hdiya" : cadeaux des fiançailles et les danses, dévalant les ruelles étroites de la médina, comme le demandaient et l'exigeaient la coutume et les us d'alors. On lui passa un tambourin pour élever la cadence et mettre de l'ambiance. Mbark joua, comme il ne l'avait jamais fait auparavant.

           Ainsi acquit-il la renommée du meilleur " tambouriniste " du moment. Il devait être invité aux festivités des mariages et des circoncisions.

           Il devint : " Bibouch Dquaïqui "

           Des années passèrent. Il oublia sa contrée d'origine et sa femme aussi, avec qui, on dut le marier à un âge précoce, au bled. Ils n'avaient que quinze ans !

            Il eut son domicile fixe, se lia d'amitié avec la quasi totalité des habitants de Fès-Jdid. Il commença par bien faire des entrées d'argent. C'est dire que la cité de Moulay Driss : Fass était bien généreuse pour qui savait faire le bon salut sur Sidna Mohammed.

            Ses amis les plus intimes, le voyant ainsi devenu prospère, lui conseillèrent le mariage, suivant la Sunna et la Chariaâ, afin d'éviter la voie d'Iblis et lui intimèrent le meilleur parti de choisir une jeune fille d'une des familles de sa même contrée. Ce qui fut fait !

             En ce temps - là, les prétendants au mariage ne pouvaient ni avoir vu, ni avoir connu leur élue. Cela se faisait, les yeux fermés, le cœur plein de foi. Aussi cartésiens ils aient été, ils se fiaient candidement aux conseils des proches, des amis et des mères.

             Un bon mariage, comme  Mbark ne pouvait se l'avoir imaginé, lui, le sahraoui ! Il ne pouvait avoir à en rêver, s'il était resté dans sa lointaine oasis.

             Les jours passèrent et MBARK de prospérité en célébrité, de bonheur en extase,  avec sa jeune épouse. Ils s'aimaient et se partageaient tout. Tous les secrets de leur vie antérieure, jusqu'au jour où l'impensable, l'inimaginable arriva. Durant une de ces soirées calmes, sereines et romantiques, de question en réponse, il allait apprendre ce qui changerait totalement sa vie.

             La jeune fille qu'il prit pour épouse n'était autre que sa propre fille !

             Oui, elle était le fruit d'une relation furtive et extra conjugale, dans le secret des Kasbahs et des ombrages des palmiers de son oasis d'antan.

             Que faire ? Surtout ne pas raconter cela, ni à la famille de sa jeune femme, ni à ses proches, ni à ses amis, les plus intimes. Pas question !

              Il alla se confier à un Aâlim de la mosquée avoisinante et lui demanda conseil.

              L'Aâlim trancha sans détour aucun : 

              - Ta fille, " Ton ex-épouse ".  Tu ne la verras plus jamais. Suivant les commandements de Dieu. Tu finis avec le tambourin. De ce jour et jusqu'à la fin de ta vie, tu serviras de l'eau à boire aux fidèles fréquentant la mosquée.

             Ce qui fut fait. Pour, ainsi se purifier du péché de l'inceste.

              Les voies du Seigneur sont toujours impénétrables. Dieu a des "ayats" en sa création.

              La prostitution reste un péché, pour les malheurs qu'elle cause à la société, comme à la famille, dans sa sobriété, quoi qu'elle soit le vieux métier du monde !

 

                      Abdelmalek Aghzaf,

                                                        Fès, le 04/03/2014

 

               

 

              

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recueil de nouvelles

                     BIOGRAPHIE :

    Abdelmalek AGHZAF,

    Né à Azrou, ville du Moyen Atlas, au Maroc, en 1952.

    Études primaires à Azrou et à Aït Ishaq. Études secondaires à Khénifra. Études universitaires  et carrière de professeur de langue et de  littérature françaises à Fès.

    Père de trois enfants. Retraité depuis fin 2012.

                     DÉDICACE :    

    À l'âme et à l'esprit de mon père et de ma mère,

    À mon frère et camarade Brahim, à mon épouse Nezha, à Dalal, Amjad et Nejma, mes enfants.

                     PRÉFACE : 

    Comme dans toute expérience d'écriture, la nouvelle, comme genre littéraire, est sans aucune autre prétention. L'acte d'écrire, de relater des histoires est avant tout un besoin personnel. Celui de s'exprimer et d'en partager le plaisir, les idées, les sensations et les sentiments avec  autrui.

     Toujours est-il que c'est au lecteur de juger un tel travail. L'aimer ou ne pas l'aimer ; l'apprécier et l'oublier, comme pour toute autre création artistique.

                     Remerciements :     

                    À monsieur Alain Bonati et à monsieur  Bruno Challard,

      toute ma gratitude et mon respect d'avoir accepté de lire ma production écrite, d'en faire le suivi et de la faire éditer en  "Recueil de nouvelles", recueil de poésies et recueil de méditations, réflexions et chroniques.

       Je les remercie vivement pour leur grande confiance, leur  générosité, leurs encouragements et leur  amour pour la littérature.

       Mon blog où figurent tous mes recueils et tous mes écrits :

       http://azraoui.e-monsite.com/blog

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       «Il faut que la pensée voyage et contemple, si l'on veut que le corps soit bien.»  

                                                      ALAIN KAN

                                                 Nouvelles et Contes du Moyen Atlas : 

                                                              Oumedda, l'infortuné              

                                              En hommage à Boussetta Omar, en souvenir d'une grande générosité.

    Les années de plomb avaient bien touché la nation de long en large.

    Beaucoup de familles connurent profondément, plus que l'humiliation, les exactions de toutes sortes.

    Une vraie oppression sans pareil avec le sens même du terrorisme le plus fanatique où l'appareil de l'État jouait un de ces rôles les plus sinistres, marquant pour longtemps aussi bien des individus simples que des familles à notoriété locale, régionale et historique, que des tribus toutes entières se rappelleront toujours. 

    Certains parlèrent même d'un génocide caractérisé et systématique.

    Ainsi les Aït Khouya, à El Borj, à l'entrée de Khénifra connurent les plus difficiles années soixante dix du siècle passé et payèrent un des lourds tributs, en terre et en hommes(hommes, femmes, enfants) non pas pour leur soulèvement contre le pouvoir Makhzénien mais surtout parce qu'ils prêtèrent main forte aux acolytes armés d'Al Basri, prenant comme fief de leur "Révolution" à la Che Guevara, le Moyen Atlas.

    Les Aït Khouya, tribu des Zayans, étaient connus de tout temps pour leur courage, leur témérité et leur forte résistance contre la pacification française.  Ils étaient de farouches combattants. Les plus redoutés de tous ceux qui participèrent à la fameuse bataille de "El Hri"

Ils faisaient partie de l'armée de libération jusqu'en 1958.

    Oumedda était l'un de ses grands chefs charismatiques qui finit par être enrôlé, à ce titre, par les "Basristes", pour sa connaissance particulière de la montagne et pour son expérience de la guérilla.

     Le mal fut fait, quand quelques décennies après le retour de Mohamed V  de l'exil forcé et l'avènement de l'indépendance, le bruit des armes se fit entendre tout le long des forêts de chênes et de cèdres du Moyen Atlas, surtout autour du lac "Aglmam Aziza".

    C'étaient les années dures du règne du feu Hassan II.

    Khénifra et sa région devinrent zone militaire. On pourchassait les "infiltrés" armés du pays voisin, l'Algérie, de Oujda à Marrakech, à travers les reliefs très accidentés. Dans les bourgades du piémont, on organisait des groupes de rabattage de maison en maison, chaque famille devait présenter un volontaire, l"Amzzough" , en berbère, ou la'"Ouedniya", en arabe, ou encore "Tahyyaht", ou la battue, comme lors de la chasse collective au sanglier.

   À Aït Khouya, on vidait les mansardes et les tentes berbères manu militari, on envoyait les hommes, les femmes, moins jeunes, plus jeunes. Tous, sans aucune exception, à un quartier spécial, à la prison Sidi Saïd, à Meknès, ou on les engouffrait dans des hangars, dans la faim et le froid, en attendant les ordres d'en haut qui tardaient toujours de venir. C'était, en quelque sorte, couper les "Révolutionnaires" de leurs bases arrières.

  Très souvent, en plus des vols très fréquents, à basse altitude, des hélicoptères militaires, la panique générale gagnait le souk de la capitale des Zayans, on allait jusqu'à même prétendre  l'existence d'une bombe à l'unique salle de cinéma de la région, "l'Atlas". Alors, on l'évacuait. On voyait des bataillons de soldats escalader la "Table Zayan", plateau au nord- est de la cité rouge.

  On ne se sentait en sécurité qu'une fois, autour du Kanoun ( ou braséro ), la porte de la maison fermée à trois tours, échangeant des informations ou des nouvelles du jour, ni bien fondées, ni véridiques, ni complètes. C'était par ouï-dire, de bouche à oreilles. Tout le monde informait, en catimini, tout le monde. Tout le monde ne disait pas la Vraie " vérité" de  peur de tomber en représailles des uns ou des autres. Il n'y avait pas de journaux ou ils étaient rares. La radio et la télévision étaient bien ailleurs.

  Quand on avait quelques informations -toujours -  en compte - gouttes, c'était de la bouche même des victimes ou d'un parent éloigné ou intouchable !

  Pour longtemps, les familles des Aït Khouya furent contraintes au silence des morts.

  Bien plus tard, une information tomba, un jour de  ces années d'insouciance totale, entre les inter-lignes footballistiques, qu'un certain Oumedda mourut de mort naturelle, quelque part, en terre d'exil, en  Algérie, loin de sa terre, de sa tribu et de sa famille.

   Bien des années, après le discours de Mohamed VI, à Ajdir, autour de la culture et de la langue Tamazight, que certaines langues commencèrent à se délayer. C'étaient quelques vieilles personnes, encore vivantes, attendant l'heure fatidique de rendre l'âme, qui relatèrent la triste et malheureuse épopée comme unique legs ultime et légitime d'une génération passée.

  Pour le compte de qui? Pour quelle raison? On n'en savait rien, toujours est-il que les eaux d'Oum Errabia continuaient leur cours, de méandres en méandres, de El Borj à Khénifra, serpentant vallées et plaines, emportant les tristes souvenirs, pour enfin les ensevelir au fond des abysses de  l'Atlantique .

                  Fès, le 17/02/2013.

         Xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxcccccx ( voir la suite, ci-après ). %

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