Raoul Hunter n'est plus (1926-2018)

Professeur d’arts, sculpteur et caricaturiste au Soleil durant plus de 30 ans, Raoul Hunter est décédé.


«J’ai le regret de vous informer que mon père est décédé ce 10 décembre à l’âge de 92 ans», nous a écrit Denis Hunter. «Il laisse une famille unie et de nombreuses œuvres d’art.»

«Raoul Hunter est né le 18 juin 1926 à Saint-Cyrille-de-Lessard dans le comté de L’Islet. À la suite de ses études supérieures à l’École des Beaux-Arts de Québec où il est diplômé en 1953, il part étudier pendant deux ans la sculpture et le dessin à Paris», raconte une notice biographique produite par Bibliothèque et archives nationales du Québec (BANQ). Il est ensuite revenu à la maison où Le Soleil l’a repêché.

Actuel caricaturiste du Soleil, André-Philippe Côté se souvient d’avoir grandi en admirant les traits de crayons de Hunter. Le jeune Côté s’était même présenté dans les bureaux du quotidien, ses dessins sous le bras, dans l’espoir d’une reconnaissance du plus vieux.

L’homme vient cependant d’une autre époque. André-Philippe avait un an quand Raoul Hunter a entrepris sa carrière de caricaturiste au Soleil en 1956 !

Raoul Hunter, 22 septembre 1981

Hunter était alors professeur à l’École des Beaux-Arts de Québec, poste qu’il a conservé jusqu’en 1969 en parallèle de son travail éditorial. Il a repris l’enseignement à l’École des arts visuels de l’Université Laval de 1978 à 1981. 

«Hunter, c’était un caricaturiste qui avait beaucoup de versatilité», observe André-Philippe Côté. «Il pouvait changer de style selon l’occasion.» Son crayon ne se perdait toutefois pas dans les détails, se souvient-il. Le trait était direct, cru même. «Il ne voulait pas faire beau, il voulait que ça frappe!»

Pour frapper, il a frappé, poursuit l’historienne de l’art Mira Falardeau, femme de Côté. Surtout durant l’époque épique des luttes entre souverainistes et fédéralistes. 

Frictions

«Il y a eu des frictions avec la salle de rédaction.» Penchant du côté de l’unifolié, le caricaturiste sera choqué par le décès de Pierre Laporte en octobre 1970 tandis qu’il était détenu par le Front de libération du Québec (FLQ). 

Le lendemain, il publie un dessin illustrant le général Charles de Gaulle — qui a clamé «Vive le Québec libre!» en 1967 — regardant «passer le cercueil de Laporte descendu par le FLQ, dans un raccourci où les séparatistes sont associés aux terroristes», écrit Mira Falardeau, coauteure de l’Histoire de la caricature au Québec publiée en 2009 chez VLB. «Non seulement sa caricature provoque-t-elle un tollé de la part des lecteurs, mais 40 journalistes syndiqués du Soleil signent une pétition pour demander sa démission.»

Raoul Hunter, 17 décembre 1984

Raoul Hunter n’a pas démissionné. Il a même aménagé son atelier de création dans les locaux du Soleil. Le matin, le dessin. L’après-midi, la sculpture.

Il quittera finalement les pages du journal en 1989, remplacé par Berthio (Roland Berthiaume». André-Philippe Côté prendra le relais en 1997.

Sculptures

«La plupart des sculptures de Raoul Hunter proviennent de commandes. Statues, monuments, bustes, médailles et bas-reliefs attestent de la diversité de sa production», note la page qui lui est dédiée sur le site de la Ville de Montréal traitant de l’art public. «On trouve ses œuvres à divers endroits en Amérique du Nord : au Québec, en Ontario, en Alberta, au Massachusetts, à Washington en Oregon, en Alaska et en Californie.»

Pour ceux qui voudraient profiter de l’occasion pour observer une de ses œuvres publiques, la Ville de Québec en recense trois sur son territoire, dont un hommage aux marins de la marine marchande morts durant la Seconde Guerre mondiale installé au bassin Louise. Quelques pièces de Hunter sont également parties de l’exposition Coups de crayon!: la satire politique en dessins à la bibliothèque de l’Assemblée nationale. 

Raoul Hunter, 1er novembre 1984

Pour approfondir le sujet, vous pouvez lire cet article publié en 2010 quand la Maison Hamel-Bruneau a consacré une exposition à l’artiste de la capitale. Et visiter son site Web: http://www.raoulhunter.com

BANQ rappelle que «Hunter s’est vu attribuer plusieurs prix et distinctions, dont la Médaille du centenaire du Canada (1967) et le Prix de la culture de l’Institut canadien de Québec (1989). Il est également membre de l’Ordre du Canada (1989) et de l’Académie des Grands Québécois (1998 – domaine culturel)».

Dès qu'il a appris le décès de Raoul Hunter, le caricaturiste du Soleil André-Philippe Côté lui a esquissé cet hommage.