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Politique

Vélib, Autolib, symboles de l'amateurisme d'Hidalgo

La double farce de Vélib et d’Autolib n’est que le symptôme spectaculaire d’un dérèglement progressif mais général de la machine administrative qui se traduit ici par des horloges publiques à l’arrêt, et là par des panneaux indicateurs en capilotade. 

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Une des dernières voitures 100% électrique dégradée. Les Autolib ont quitte Paris en juillet 2018
Mario FOURMY/SIPA

Paris a, depuis la fin de l’été, une nouvelle attraction, mais c’en est une dont Anne Hidalgo n’a curieusement pas chanté les mérites par l’un des tweets autosatisfaits qu’elle émet à jet continu : ses quelque 6.000 places de stationnement réservées aux véhicules électriques … toutes désertes. Avec l’arrêt du service Autolib en août, les véhicules de la flotte d’autopartage ont progressivement disparu – c’est normal. Mais, les autres (voitures électriques privées) se sont elles aussi évaporées – ce qui est beaucoup moins compréhensible. La vérité est que, aujourd’hui, à Paris, ville dont la maire se vante pourtant bruyamment d’être à la pointe de la "transition écologique", il n’y a pratiquement plus moyen de recharger une automobile électrique sur la voie publique. C’est au point qu’on voit ici et là apparaître le soir des rallonges traversant les trottoirs en hauteur et permettant aux usagers de connecter leur véhicule depuis une prise électrique à la maison, seul moyen pour eux de ne pas tomber en panne.

Comment en est-on arrivé là ? Aussi imprévoyante et désorganisée qu’elle est soucieuse de son image – c’est dire ! – Anne Hidalgo a certes repris au concessionnaire qu’elle a écarté (Bolloré) les bornes installées dans les rues, mais elle a omis de racheter le logiciel permettant le rechargement. Heureusement que le ridicule ne tue pas : l’Hôtel de Ville aurait des airs d’institut médico-légal.

Incurie caractérisée

Survenant quelques mois seulement après la farce du Vélib, que la Mairie de Paris a presque réussi à tuer, ce nouvel épisode d’incurie caractérisée est d’abord symptomatique de la crétinerie d’une politique municipale particulière : à force de ne penser que "com" et idéologie, cette équipe a complètement perdu le sens du service de ses administrés – et, même, tout sens pratique. Mais, au-delà du cas Hidalgo, il est hélas, aussi, révélateur du dérèglement progressif mais général de l’administration française qui, à tous les niveaux, est infiniment moins efficace et soucieuse de résultats qu’elle l’était il y a quelques décennies.

Il suffit, pour s’en convaincre, de lever la tête. Vous êtes en ville ? Vous constaterez très vite qu’une grande partie des horloges publiques sont arrêtées et que nul n’a visiblement l’intention de réparer. Vous vous promenez dans une grande forêt domaniale ? Vous verrez des pancartes indicatrices brisées, et qui le resteront des années avant d’être remplacées, si toutefois elles le sont jamais. Vous êtes dans une gare ? Vous observerez qu’on ne vous indique officiellement votre quai que, au mieux, 20 minutes avant le départ – souvent cinq. (Si vous avez une correspondance à Zurich dans trois mois, vous savez dès aujourd’hui à quel quai vous arriverez et duquel vous repartirez, et c’est une information absolument sûre. Pourquoi trois mois là-bas et 5 minutes ici ?). Et l’on pourrait multiplier à l’envi ces quelques exemples illustrant ce qui apparaît comme une résignation générale de l’Etat et de ses démembrements à l’"à-peu-près", au "pas-fini", au "qui-tombe-en-ruine".

Une administration dépourvue de honte et de fierté

Cela n’est pas la tradition française : notre pays s’est longtemps vanté, à juste titre, de disposer d’une machine administrative "qui marche". Il continue à le faire, mais désormais sans aucune crédibilité tant ses manquements, souvent petits mais irritants et parfois grands, sont évidents. L’administration semble ne même plus avoir le souhait de "livrer". Pourquoi le souci de bien faire, qui fut si longtemps la règle chez nous, et qui le reste chez nombre de nos voisins, est-il ainsi tombé en désuétude ? L’explosion de la dépense publique depuis quelques décennies exclut évidemment l’hypothèse du manque de moyens. Les facteurs réellement explicatifs sont nombreux, certains exogènes (pourquoi l’administration échapperait-elle à la montée de l’"à-quoi-bonisme" général ?), d’autres plus spécifiques (il est probable que le management public perd beaucoup en efficacité dans la quasi cogestion des carrières obtenue par les syndicats, laquelle proscrit dans les faits la récompense de l’agent spécialement diligent comme la réprimande adressée à l’agent spécialement peu consciencieux : pas d’inégalités !)

Mais sans doute serait-il bon de s’intéresser aussi, pour comprendre cette faillite, à ce que le sociologue Philippe d’Iribarne a dénommé "la logique de l’honneur" - en tout cas au rôle que joue, dans toute collectivité humaine, l’honneur avec ce cortège que lui font deux sentiments puissamment moteurs : la honte et la fierté. Une administration, comme toute collectivité humaine, n’est au sommet de son efficacité que quand elle recherche l’une, et se défie de l’autre - on parierait volontiers qu’elle est aussi plus heureuse quand elle est fière. Mais ce levier formidable est largement désactivé, d’une part, par le management bureaucratique et déshumanisé qui est aujourd’hui la règle dans les grandes organisations publiques comme privées et, d’autre part, par la communication invasive et manipulatrice qui tient aujourd’hui trop souvent lieu de discours officiel. Les causes sont soigneusement tenues éloignées de leurs conséquences, et le discours officiel des faits observables. Dans ces conditions, l’abstention et le refus de s’engager semblent presque raisonnables…

Ainsi, on aimerait que les agents municipaux parisiens aient honte des horloges en panne et des pauvres rallonges électriques se substituant aux bornes de recharge, qui donnent les unes et les autres une bien pauvre image et de Paris, et de leur travail. Mais l’on se dit aussi que c’est vraiment beaucoup leur demander sachant à quel point la vergogne n’étouffe pas leur patronne.

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