Ils sont jeunes, français, innovateurs et primés... par les Américains

Ils sont jeunes, français, innovateurs et primés... par les Américains
Anaïs Barut, lauréate de la soirée MIT L’Atelier BNP Paribas. (L’ATELIER BNP PARIBAS)

La prestigieuse "Technology Review" du Massachussets Institute of Technology a récompensé les "10 meilleurs innovateurs français de moins de 35 ans". Portrait choisis de quatre lauréats.

Par Dominique Nora
· Publié le · Mis à jour le
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Voilà une soirée qui fait mentir la réputation technophobe de la France. Si nos élites sont, au mieux ignorantes, au pire hostiles à l’innovation, les jeunes français, eux, s’y sont mis… et avec quel talent ! C’est ce qui est apparu, mercredi 15 avril au soir, lors de la remise des prix de la MIT Technology Review aux "Innovateurs français de moins de 35 ans", dans les locaux de son partenaire, L’Atelier de BNP Paribas.

Pour la troisième édition parisienne de cet événement, maintenant décliné dans le monde entier, dix jeunes entrepreneurs français ont été récompensés pour leurs technologies révolutionnaires. "Les problèmes du monde peuvent être résolus par la technologie", a affirmé la Présidente de la revue Kathleen Kennedy.

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Santé, nutrition, environnement, éducation, politique, usages du numérique… Il est vrai que les présentations étaient bluffantes, tant par leur qualité que par leur diversité.  Voici nos quatre préférés.

Antibiotiques du futur

Xavier Duportet, 27 ans, Eligo Bioscience

"Selon l’OMS, en 2050, la première cause mondiale de mortalité sera la résistance aux antibiotiques. Cela provoquera 10 millions de morts par an !" Xavier, 27 ans, sait capter l'attention de son auditoire. La start-up de biologie synthétique qu’il a cofondée avec David Bikard, se propose de relever cet immense défi, en s’attaquant aux causes de ce phénomène dangereux. C’est-à-dire le fait que ces armes médicales "de destruction massive" tuent indistinctement les bonnes et les mauvaises bactéries de notre microbiome.

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Pour y remédier, cet ancien agronome, double diplôme du MIT et de l’Inria, a mis au point une technique d'édition génomique qui permettrait aux nouvelles thérapies de tuer les bactéries pathogènes, tout en laissant les autres intactes. Le procédé a déjà fait ses preuves chez des souris atteintes par des staphylocoques dorés multi-résistants : une bactérie responsable de dizaines de milliers de décès dans le monde chaque année. Et si tout se passe bien, des essais cliniques sur l’homme pourraient démarrer d’ici deux ans. Un espoir qui fait de Xavier, selon le MIT, l'Innovateur français de l’année.

Accessoirement, le jeune homme n’est pas seulement un "rat de laboratoire" : avec son initiative Hello Tomorrow, il a enrôlé de grosses pointures du CAC 40 pour faire en sorte que les percées scientifiques se diffusent mieux dans le tissu économique.

Main artificielle low cost

Nicolas Huchet, 31 ans, BionicoHand

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Nicolas n’a pas fait de grande écoles, et n’a pas l’âme d’un start-upper. Mais un accident de la vie et son ingéniosité l’ont incité à mettre au point une prothèse qui pourrait changer la vie de dizaines de milliers de gens sur la planète. Ce qui vaut à cet ancien mécanicien industriel devenu technicien du son la distinction supplémentaire d’Innovateur Social de l’année.

En 2002, Nicolas perd sa main dans un accident de travail, et se voit installer une prothèse qui ne lui permet pas de bouger tous les doigts. Très déçu, il n'a pas non plus accès aux appareils plus ergonomiques, apparus dix ans plus tard, parce que, raconte-t-il avec humour :

Ils coûtent un bras et ne sont pas remboursés par la Sécurité Sociale."

Nicolas découvre alors sur le net le premier robot en plastique, imprimé en 3D, que le designer et "maker" français Gaël Langevin propose en "open source" (libre de droits). Avec l’aide de passionnés du LabFab de Rennes, Nicolas fabrique alors pour quelque 300 euros une prothèse de main, à partir des plans et des conseils de Gaël et de chercheurs brésiliens.

Aujourd'hui, notre prototype est capable de saisir les gros objets, avec la contraction des muscles."

Reste à miniaturiser les pièces, le moteur et trouver les sous pour le développement... Un véritable espoir pour rendre accessible à tous une main artificielle sophistiquée.

Détection précoce du cancer de la peau

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Anaïs Barut, 22 ans, DAMAE Medical

La plus jeune des lauréates de cette sélection n’est pas seulement impressionnante par son parcours de double diplômée d'HEC Paris et de la Filière Innovation-Entrepreneurs de l'Institut d'Optique Graduate School. L’invention qu’elle présente avec les deux co-fondateurs de sa société, est susceptible de sauver la vie de patients atteints de cancer de la peau.

Un tiers des mélanomes ne sont pas diagnostiqués, alors qu'une détection précoce améliore considérablement les chances de guérison", rappelle la jeune fille.

DAMAE Medical a donc l'ambition de mettre au point et commercialiser un dispositif permettant au dermatologue, au sein même de son cabinet, d’acquérir des images de l’anomalie cutanée en profondeur, directement à la surface de la peau, de manière non invasive.

Un peu comme une échographie, mais avec une résolution mille fois supérieure".

L’image obtenue permettra de savoir, de manière précoce, si des cellules cutanées sont cancéreuses ou non. Ce qui évite à la fois des biopsies (prélèvements invasifs ) inutiles et le délai de 15 jours pour obtenir des résultats.

Démocratie locale participative

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Julie de Pimodan, 31 ans, Fluicity

Démentant un physique un peu BCBG, Julie est une bourlingueuse qui n’a pas froid aux yeux. Après des études de journalisme à l’Université Libre de Bruxelles ("je suis à moitié belge"), la jeune femme a travaillé pour Al Jezira et la BBC Middle East, lançant notamment deux magazines au Yémen et un média pour les femmes à Abu Dhabi. Elle raconte :

En vivant le printemps arabe dans ces régions, j’ai compris l’importance pour la démocratie d’outils comme Twitter et Youtube."

Revenue en Europe, Julie passe quatre ans chez Google, à apprendre le marketing numérique.

Fluicity est née de la synthèse de mes deux expériences professionnelles. C’est une plateforme qui met les outils numériques au service de la démocratie."

Concrètement, Fluicity propose aux maires un site web (et demain une application pour smartphone) leur permettant de recueillir les avis des citoyens, de sonder les habitants sur des projets précis, et donc de prendre des décisions plus en phase avec leurs attentes. La jeune entrepreneuse est en discussion avancée avec Sébastien Le Cornu, le maire UMP de Vernon (Eure), ainsi que trois édiles en Ile-de-France et dans le Sud.

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Son espoir ? Redonner aux citoyens le goût de la participation politique en enrichissant la qualité et l'interactivité du dialogue avec leurs représentants. Et il y a urgence. Elle rappelle, consternée : 

40% des gens ne votent pas aux élections locales, 87% des Français pensent que les politiques se moquent de leur opinion, plus de 70% ont même des doutes sur la démocratie."

Dominique Nora

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