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Mort de Lee Radziwill, la soeur de Jackie : la nostalgie Kennedy

Lee Radziwill au gala du MET en 2001.
Lee Radziwill au gala du MET en 2001. © Steve Eichner/Penske Media/REX/Shutterstock/SIPA
Danièle Georget , Mis à jour le

Lee Radziwill adorait sa sœur Jackie mais c’était sa  grande rivale, tant sur le plan du look que de la compétition amoureuse

Tout le monde le sait : elle était élégante et tellement mince… Mais il y a autre chose, et que personne ne pourra nier, c’est qu’il n’était pas difficile de la mettre en rogne. Il suffisait de lui lancer : « C’est dingue comme vous avez le style Jackie ! » Le photographe Gilles Bensimon en a fait l’expérience.

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Jusque-là, tout voguait parfaitement entre eux. Ils naviguaient sous le soleil de Capri, à bord du « Marlin », le beau bateau en bois où JFK organisait des réunions aussi politiques que photogéniques… Diego Della Valle, entrepreneur à succès et inventeur du plus snob des mocassins, le Tod’s, l’avait racheté, histoire de cultiver une nostalgie sincère et néanmoins commerciale. Il venait d’organiser une exposition sur les Kennedy où il avait convié son amie Lee. Qui mieux qu’elle pour parfaire le décor ?

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Evidemment, elle était venue avec ses lunettes extra-larges qui, dans le monde entier, suffisaient à rappeler Jackie. A mesure que la journée avançait, elle semblait de plus en plus crispée, comme si les vagues de souvenirs lui donnaient le mal de mer. D’où l’observation du photographe, qui croyait faire un compliment et s’attira ce coup de tonnerre : « Le style Jackie ? Mais c’était le mien ! » Lee allait sur ses 80 ans, mais elle restait la petite sœur furieuse que la grande lui pique ses affaires. Celle qui, quand on lui demandait qui elle aurait aimé être, répondait sans hésiter : « Personne d’autre que moi-même. »

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Les sœurs Bouvier, les plus jolies filles des Hamptons, en 1950. A gauche, Jackie, 21 ans.
Les sœurs Bouvier, les plus jolies filles des Hamptons, en 1950. A gauche, Jackie, 21 ans. © Cecil BEATON/CONDE NAST VIA GETTY IMAGES

Entre Lee et Jackie, la course a commencé tôt. Au chronomètre, Janet, la mère. Le père est absent, occupé à jeter par les fenêtres les derniers dollars que l’effondrement de Wall Street a oubliés dans ses poches. Le pays est en dépression, mais lui a l’humeur joyeuse. La mère, elle, ne plaisante pas. « Si, en mon absence, Lee réclame son père, donnez-lui une fessée ! » recommande-t-elle à la nounou avant de sortir. On est en 1937 et Lee a 4 ans. Janet sait qu’il n’y a pas de salut pour les filles en dehors du mariage avec un homme riche. C’est la mission qu’elle s’est assignée et qu’elle va remplir avec succès en s’unissant à Hugh Auchincloss, un des héritiers de la Standard Oil. Qui dit mieux ? Donc, les filles sont mises très tôt face à leurs responsabilités : sourire, ne jamais parler de choses intelligentes, s’habiller avec goût et, puisque l’un ne va pas sans l’autre, être minces.

Plus tard, lorsqu’on découvrit les petits secrets du président Kennedy, on se demanda jusqu’où était allée leur intimité… 

« Jamais trop maigre, jamais trop riche », dit-on dans la « upper class ». Lee a appris la leçon. A 12 ans, elle est anorexique. Résultat : on la trouve bien plus jolie que sa sœur, qui ne pense qu’à monter à cheval et à lire. « Elle finira vieille fille », pronostique la mère. L’âge critique est fixé à 25 ans. Jackie passe la ligne sur le fil : à 24 ans, elle se marie avec le sénateur Kennedy ; Lee épouse un diplomate à 20 ans. Et, très vite, elle s’ennuie. Au jeune marié qui cherche à la reconquérir, Jackie conseille : « Il faut gagner de l’argent. – Justement, répond-il, je vais travailler dans une maison d’édition. – Non, du vrai argent. »

Noël 1962 à La Guerida, la villa des Kennedy à Palm Beach. JFK et Jackie avec, sur les genoux, son neveu Anthony. A gauche, Caroline. A droite, Lee et Stanislas Radziwill avec leur fille, Christina. Au premier plan, John-John
Noël 1962 à La Guerida, la villa des Kennedy à Palm Beach. JFK et Jackie avec, sur les genoux, son neveu Anthony. A gauche, Caroline. A droite, Lee et Stanislas Radziwill avec leur fille, Christina. Au premier plan, John-John © JOHN F. KENNEDY LIBRARY/GETTY IMAGES

Ce sont des années joyeuses où rien n’est sérieux, et surtout pas l’amour, gaz étourdissant mais éminemment volatil. Lee est maintenant amoureuse du prince Radziwill, descendant de la plus grande famille de Pologne. Ça, c’était avant les communistes. Maintenant, « Stas » est agent immobilier à Londres. « Happy times… » résumait-elle sans vouloir en dire davantage. C’est le titre qu’elle choisira pour un album souvenir, sorte de « scrapbook » d’instantanés, de petits dessins, de vieux tickets, avec surtout rien d’historique. Ainsi, aucune allusion au 26 juin 1963, quand elle est à Berlin, au premier rang, pour entendre JFK proclamer : « Ich bin ein Berliner. » S’en souvenait-elle ? Elle avouait avoir toujours eu du mal à se concentrer. Ce jour-là, elle était venue remplacer sa sœur qu’une nouvelle grossesse empêchait de voyager. Plus tard, lorsqu’on découvrit les petits secrets du président Kennedy, on se demanda jusqu’où était allée leur intimité… Déjà, en 1957, à la naissance de Caroline, le beau-frère et la belle-sœur avaient partagé le même appartement près de la 5e Avenue.

Lee disait que c’était elle qui avait appris à Jackie – élue femme la plus élégante du monde – à s’habiller

« Attention, pas de bêtise ! » avait mis en garde un copain. Années de liberté sexuelle aussi difficiles à comprendre aujourd’hui qu’un principe de physique quantique. Après Berlin, Lee est avec Stas à Deauville. Ce sont les noces d’une nièce et du comte Hubert d’Ornano. Aristote Onassis est invité. La mariée se souvient : « Elle avait une histoire avec lui… Mais je n’ai jamais eu l’impression que c’était sérieux. Ça changeait si vite ! » A la manière d’un Louis XIV du pétrole, l’armateur a récompensé le mari en le nommant directeur d’Olympic Airways. Il invite Lee en Grèce… Le journaliste Drew Pearson ne peut résister à une bonne blague : « Le Grec espère-t-il devenir le beau-frère du président des Etats-Unis ? » Beau-frère… il ne le sera jamais, empêchant Lee de réaliser parfaitement les rêves de sa mère. Mais successeur auprès de Jackie, oui, assurément. Et cela, Lee avait eu du mal à le digérer.

A Rawalpindi, le 1er mars 1962, la visite à dos de chameau des jardins du président pakistanais, le général Ayub.
A Rawalpindi, le 1er mars 1962, la visite à dos de chameau des jardins du président pakistanais, le général Ayub. © AP/SIPA

« Comment a-t-elle pu me faire ça ? » enrageait-elle encore devant Truman Capote, oubliant qu’elle se confiait à l’écrivain qui, depuis « Petit déjeuner chez Tiffany », n’en finissait pas de l’observer : un œil pour la consoler, l’autre pour tout noter. Lee disait que c’était elle qui avait appris à Jackie – élue femme la plus élégante du monde – à s’habiller. Givenchy, Chanel, tout ce qu’elles avaient aimé à Paris pendant leurs vacances inoubliables de 1951. Que la rénovation de la Maison-Blanche – cette idée de décrocher les rideaux de cretonne de Mamie Eisenhower pour lui rendre son style XVIIIe –, c’était elle aussi. Que Jackie était une intellectuelle qui lisait Saint-Simon dans le texte, ce qui n’amusait personne et surtout pas « Ari », lui qui était persuadé que les impressionnistes devaient leur nom à leur technique « impressionnante ».

Elle avait tenté d’être actrice dans les théâtres branchés de Manhattan. Ce fut un échec, et elle était devenue décoratrice

En 1995, une certaine Diana Dubois ose même publier un livre intitulé « In Her Sister’s Shadow », « Dans l’ombre de sa sœur »…  Quelle erreur ! Aucune ne marchait dans l’ombre de l’autre. Elles étaient l’ombre l’une de l’autre ! Impossibles à séparer jusqu’à ce que la mort emporte Jackie, à 64 ans, d’un cancer de la lymphe. C’était bien la première fois qu’elles ne faisaient pas les choses ensemble. Leurs filles avaient trois ans d’écart ; leurs fils, quinze mois, mais ils moururent à trois semaines de distance. A cause d’un accident d’avion, John précéda Anthony, emporté par le cancer, dans la tombe. Ni Lee, ni sa fille Tina, ni Carole, sa belle-fille, ni Caroline, la fille de JFK, n’avaient eu le temps de retirer leurs habits de deuil quand il fallut réfléchir à la cérémonie. L’un et l’autre reposent dans l’océan.

A Paris, pour la sortie de « Lee », ses Mémoires en photos, le 4 octobre 2015.
A Paris, pour la sortie de « Lee », ses Mémoires en photos, le 4 octobre 2015. © Kasia Wandycz / Paris Match

De cela, Lee ne parlait jamais. De rien de grave, de rien de triste, d’ailleurs. Elle parlait de ses chiens, de son spitz, Lola, de la mode, des tableaux de Vuillard, de Noureev qu’elle avait tellement aimé, elle qui plaçait la beauté au-dessus de tout et aurait laissé tomber sa meilleure amie pour déjeuner avec un jeune danseur. Elle avait tenté d’être actrice dans les théâtres branchés de Manhattan. Ce fut un échec, et elle était devenue décoratrice, toujours obsédée par les belles choses, surtout par le style italien. Chez elle, on était surpris d’apercevoir si peu de photos, comme si son narcissisme était surtout lié au manque d’imagination de ceux qui croyaient la connaître. Et finirent par se demander si son apparente superficialité n’était pas un leurre. Elle voulait bien confier ses secrets de beauté : masque de glaçons tous les matins, et Crème de la Mer, la plus chère du monde, mais rien d’autre…

Elle recevait, assise dans son canapé à la façon de Mme Récamier, les jambes négligemment allongées

« Never explain, never complain » (« Ne jamais s’expliquer, ne jamais se plaindre »), comme à la cour d’Angleterre. D’ailleurs, n’avait-elle pas des manières de reine ? Au Relais Plaza, à Paris, ou au Cipriani, à New York, elle commandait trois ou quatre plats et les renvoyait à peine effleurés. Toujours en taxi, elle demandait au chauffeur de laisser tourner le compteur le temps du repas… « Venir chez moi lui coûtait le prix d’un billet pour Saint-Barth », se souvient un ami qui habitait Versailles… Parce que le propriétaire de son appartement avenue Montaigne avait eu le mauvais goût de résilier son bail, elle était repartie, outrée, à New York. Et ne quittait plus son 300 mètres carrés, seule occupante d’un 15e étage, près de Central Park.

Personne ne pouvait se vanter de l’avoir rencontrée autrement que coiffée, maquillée, vêtue d’un de ses élégants pantalons fluides, Valentino ou Armani. Elle recevait, assise dans son canapé à la façon de Mme Récamier, les jambes négligemment allongées. Jean-François, le coach, passait pour la gymnastique ; Lisa, la coiffeuse, pour le Brushing. Teresa, la cuisinière, remplissait le réfrigérateur chaque lundi : lasagnes aux légumes et shepherd’s pie irlandais, lemon meringue pie pour le dessert. Elle s’est éteinte doucement, comme une de ces cigarettes qu’elle choisissait pour leur silhouette longue et mince. Avant de mourir elle a encore demandé une bouffée et un verre de rosé, son préféré. Son dernier luxe fut de s’en aller à l’abri de l’Histoire, cette compagne encombrante et poussiéreuse qui avait pris trop de place dans sa vie, elle qui voulait des espaces vides, des moquettes blanches, vierges de taches et de souvenirs. 

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