EDUCATION - Pour les futurs étudiants, les dés sont jetés. Passé 23h59 ce samedi 31 mars (date limite pour clôturer leur dossier sur Parcoursup), ils n'ont plus la main sur leurs candidatures pour l'année prochaine. Sous réserve qu'ils aient le baccalauréat en juillet prochain, leur inscription dans l'enseignement supérieur est désormais entre les mains des universités, particulièrement entre celles des membres de la commission d'examen des voeux installée dans chaque établissement.
A partir du 4 avril et d'ici au 22 mai (date à laquelle les premières décisions seront annoncées aux élèves), c'est à ces quelques personnes (entre trois et cinq selon les établissements) que revient la lourde tâche de classer les candidatures reçues pour donner un avis sur chacun des voeux des étudiants. Elles vont y passer l'essentiel des vacances de Pâques et des ponts du mois mai. "Les collègues auront une prime pour faire ça", confie le patron d'une faculté.
Le vrai-faux retour des algorithmes
Mais ce travail s'annonce plus compliqué qu'il n'y paraît. Et pas aussi consensuel que le gouvernement l'aurait souhaité. Le ministère de l'Enseignement supérieur n'a en effet pas totalement tourné la page des critiques émises à l'encontre d'APB, le prédécesseur de Parcoursup. Alors qu'on reprochait à l'ancien système de n'être qu'un algorithme scientifique opaque qui débouchait sur du tirage au sort, la nouvelle majorité a promis "un traitement humain des dossiers". Chaque cas serait en effet étudié par la fameuse commission des voeux présente dans chaque université. Si tant est que ce soit possible.
Ce sera bien le cas dans les filières où peu d'élèves sont candidats; chaque dossier sera bien traité à la main. Mais il est impossible de faire de même dans les sections où plusieurs centaines voire des milliers de personnes veulent entrer. Surtout que le ministère rappelle aux universités qu'elles doivent impérativement classer toutes les candidatures. Dans certaines filières sous tension comme Staps, droit ou psychologie, on va atteindre jusqu'à 5000 candidatures pour 500 places.
Une bataille sémantique se joue donc entre les partisans de la réforme et ses opposants. Pour ces derniers, on assiste à un retour des algorithmes à l'échelle locale; le gouvernement évoque pour sa part "un outil d'aide à la décision". Qu'en est-il? Les responsables de chaque filière de chaque université ont la main pour pondérer, dans une sorte de tableau Excel géant, les critères qui lui semblent prioritaires dans chaque filière. Cela peut être les notes dans telle ou telle matière (avec pourquoi pas une majoration pour telle ou telle filière du bac), cela peut être aussi l'origine géographique des candidats. Certains envisagent aussi de convertir en note les éléments "qualitatifs" du dossier comme la lettre de motivation...
Les notes, un critère prépondérant
Illustration avec ce qui a été décidé par les doyens de Staps. Les moyennes de maths, SVT, physique, sciences, seront converties en notes sur 30. Idem pour les résultats du bac de français, des moyennes de philo et d'éco. Une troisième note sur 30 sera obtenue à partie des moyennes d'EPS et des compétences sportives attestées par le niveau pratiqué. Une quatrième note sur 30 sera calculée à partir de l'engagement associatif et des activités extrascolaires du candidat. Enfin l'avis du conseil de classe du 2e trimestre va lui aussi être converti sur 30 pour arriver à une note globale sur 150.
"Nous allons faire un premier tri à partir du dossier et des notes en première et terminale, des compétences sportives et de l'engagement associatif. Ensuite, il faudra être beaucoup plus fins dans le classement des candidats, donc on aura un regard sur leur projet de formation. Nous regarderons cette lettre pour un certain nombre de candidats qui ne seraient pas départagés par le premier tri", explique au Monde le président des doyens. "Tout ce qui peut être noté le sera", précise François Germinet, président de l'université de Cergy-Pontoise et vice-président de la Conférence des présidents d'université.
Charge ensuite pour les commissions de chaque université d'affiner le classement pour trouver exactement le nombre d'élèves par rapport aux disponibilités de leurs établissements. C'est à ce stade que les lettres de motivation et le CV vont entrer en ligne de compte. "Il est normal que les résultats scolaires des étudiants soient prépondérants par rapport à son projet ou à son engagement associatif", reprend-il.
Un membre d'une commission d'évaluation explique qu'il va sans doute "dire oui à ceux dont la moyenne sera supérieure à 12, non à ceux qui auront moins de 7. Et pour les autres, on verra le dossier". Le président de l'université de Nîmes, Emmanuel Roux expliquait dans Les Echos qu'il envisage pour sa part de "donner la priorité aux dossiers qui viendront du Gard".
Une semaine pour valider son voeu
Ces résultats devront être remontés au ministère de l'Enseignement supérieur pour le 18 mai afin de laisser un peu de temps à un algorithme national qui pourrait corriger à la marge les classements pour tenir compte notamment du nombre de boursiers ou de l'origine géographique.
Dès le 22 mai les élèves commenceront à être informés des décisions. Ils auront un petit laps de temps pour se décider: une semaine pour répondre entre le 22 mai et le 26 juin (le processus est suspendu pendant les épreuves écrites du bac), trois jours à compter du 26 juin, puis 24 heures à partir du 21 août (afin de libérer la place pour une personne en attente).
Si le jeune reçoit un seul "oui" (ou un "oui si" en fonction des prérequis réclamés par les filières), il peut accepter et demander à conserver tout ou partie de ses autres souhaits qui seraient "en attente". S'il a plusieurs "oui", il doit accepter une des propositions mais peut conserver ses voeux en attente. S'il n'a que des réponses "en attente", il doit attendre qu'une place se libère.
S'il n'a que des "non" parce qu'il a seulement postulé à des filières sélectives, ce sera à la commission d'accès à l'enseignement supérieur de lui faire des propositions les plus proches possibles de ses voeux initiaux. Le gouvernement met en avant ce recours pour assurer que tous les étudiants qui le souhaitent auront une place dans l'enseignement supérieur: il rejette ainsi les accusations de mise en place d'une sélection généralisée. Ce qui ne convainc pas les opposants qui commencent à se faire entendre par des blocages dans certaines universités.
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