Ubérisation

La justice italienne exige la régularisation de plus de 60 000 livreurs

Le parquet de Milan a donné 90 jours aux plateformes de livraison, parmi lesquelles Deliveroo ou Uber Eats, pour requalifier les contrats de travail des coursiers et leur verser des indemnités.
par Julien Lecot et AFP
publié le 25 février 2021 à 11h18

«Les livreurs à domicile ne peuvent plus être traités comme des esclaves.» La justice italienne a exigé mercredi la requalification du statut de plus de 60 000 livreurs, après une enquête qui avait été lancée à la suite de plusieurs accidents de la route dont ils ont été victimes, rapporte le quotidien la Reppublica. Dans un communiqué, le parquet de Milan explique avoir interrogé plus d’un millier de livreurs à vélo en mai 2020, tous employés par les plateformes Just Eat, Deliveroo, Uber Eats et Foodinho-Glovo, et être arrivé à la conclusion que les contrats qui les liaient n’étaient pas conformes au travail demandé.

«L’énorme majorité des livreurs travaille en vertu de contrats de travail autonomes et occasionnels», explique le parquet, ce qui ne correspond pas à «la réalité des faits». En cause, une activité régulière, et un système de notation et de performance qui pousse le coursier à «accepter tous les ordres pour ne pas être rétrogradé dans le classement et avoir par la suite moins de travail». Ces contraintes entraînent une impossibilité de prendre du repos ou des vacances, et obligent les employés à travailler même en cas de maladie ou de pépin physique. Loin de la prétendue indépendance prônée par les plateformes, sur laquelle elles ont basé tout leur modèle économique.

733 millions d’euros d’amende

La justice italienne donne donc 90 jours aux quatre entreprises pour requalifier les contrats de 60 000 livreurs qui ont travaillé pour elles entre le 1er janvier 2017 et le 31 octobre 2020 à travers le pays, et à leur régler les cotisations qu’ils auraient dû recevoir comme salariés. De plus, les plateformes devront payer 733 millions d’euros au titre des infractions constatées, et fournir aux livreurs des vélos et autre matériel nécessaire à leur activité professionnelle.

Le verdict a été salué par de nombreuses associations qui militent pour les droits des livreurs un peu partout dans le monde. En France, plusieurs coursiers ont déjà saisi les prud’hommes pour demander la requalification de leurs contrats et dénoncer le statut d’auto-entrepreneur imposé par les plateformes, qui leur permet de les sous-payer, de ne pas avoir à verser de cotisations sociales et d’être exonéré de responsabilité en cas de maladie ou d’accident. Au Royaume-Uni, la Cour suprême a considéré la semaine dernière que les chauffeurs Uber n’étaient pas des auto-entrepreneurs mais des employés.

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