"Une deuxième vague est totalement envisageable" : comment la France peut-elle limiter les risques de l'après-confinement ?

Publié le 4 avril 2020 à 8h33, mis à jour le 4 avril 2020 à 17h23

EPIDEMIE - En Chine, où l'épidémie de Coronavirus est en fort déclin, une "deuxième vague" semble apparaître au nord de Wuhan. Ce potentiel regain du virus pose question en France : comment sortir du confinement sans un rebond épidémique quelques semaines plus tard ?

L'heure du déconfinement n'est pas encore arrivée qu'il faut déjà penser à l'après. En Chine, berceau de l'épidémie, de nouveaux cas de coronavirus sont apparus, alors que l'on croyait l'épidémie endiguée. Le comté de Jia, dans la province du Henan, au nord de Wuhan, vient en effet d'être placé en confinement, après la découverte de 55 nouveaux cas de personnes positives, toutes asymptomatiques. Cette potentielle nouvelle vague chinoise redoutée pose question en France : comment sortir du confinement sans un rebond épidémique quelques semaines plus tard ?

"À partir du moment où nous entrons en phase de confinement, toute sortie précoce expose la population confinée à une reprise de l'épidémie et ouvre la possibilité à une diffusion plus lointaine du virus", explique à LCI Arnaud Banos, chercheur au CNRS spécialiste de la modélisation. "C'est exactement ce qui s'est passé en Chine, puisqu'a priori, les nouveaux cas détectés dans la province du Henan seraient importés depuis celle du Hubei", la région où se situe Wuhan, foyer primaire de la pandémie.

"Si le confinement est trop court, le retour de bâton épidémique sera immédiat"

Face à l'exemple d'une possible deuxième vague, la France doit donc tirer les leçons chinoises pour ne pas déconfiner trop vite sa population, ni dans des proportions trop grandes. "Le principe du confinement n'est pas de stopper l'épidémie, mais plutôt de la retarder et de faire en sorte que le nombre d'arrivants dans les services de soins soit compatible avec notre capacité d'accueil. Pour cela, il faut que le confinement dure suffisamment longtemps. S'il est trop court, la population va de nouveau être exposée, et le retour de bâton épidémique sera immédiat", rappelle Arnaud Banos.

Pour le chercheur, les gestes barrières et les mesures de distanciations sociales devront donc perdurer bien après la phase d'obligation de rester chez soi. "Le confinement seul n'a absolument aucun intérêt, il doit être associé à d'autres mesures. Ce serait une grave erreur d'ouvrir la porte au retour d'une vie normale", alerte-t-il. "Les mesures de distanciation sociale et les gestes barrières devront être appliqués longtemps après le déconfinement."

En cause, la circulation toujours très importante du virus. "Le confinement n'est pas une quarantaine, il y a toujours la possibilité de sortir pour faire ses courses ou travailler par exemple. Le virus continue donc à se répandre, certes de façon moins rapide, mais il y a toujours l'existence de personnes infectées au cœur de notre population globale. Donc le virus est toujours là."

"Il faudrait que plus de 80% de la population soit touchée pour éviter une deuxième vague"

Si la Chine subit de nouveaux cas ces derniers jours, difficile de dire si cette situation sera valable dans l'ensemble des autres pays actuellement en confinement. Mais pour Arnaud Banos, une deuxième vague en France est quasiment certaine. "En l'état actuel de la courbe épidémique, il n'est absolument pas envisageable" que le pays échappe à un rebond épidémique post-confinement.

Pour qu'une deuxième vague ne voit pas le jour, "il faudrait que la France atteigne une proportion de la population touchée par l'épidémie qui soit très largement supérieure à ce que nous appelons le taux de vaccination, soit 60%", détaille le chercheur, avant de préciser. "Sur la première vague épidémique, les meilleures modélisations dont nous disposons montrent qu'il faudrait que de 80% de la population soit déjà touchée par le virus pour éviter une deuxième vague. Ce n'est donc absolument pas envisageable aujourd'hui."

En effet, selon Frédéric Tangy, chercheur du CNRS affecté au laboratoire d'innovation vaccinale de l'institut Pasteur et interrogé précédemment par LCI, "d'après les derniers travaux des épidémiologistes, il y aurait environ 3% des Français infectés aujourd'hui". Un chiffre bien trop faible pour éviter une deuxième vague potentielle, mais à prendre avec des pincettes. "Ce n'est qu'une estimation", rappelle Arnaud Banos. "Les principales connaissances que nous avons de la population actuellement touchée sont basées sur le petit nombre de tests mis en place, et sur les cas traités par le système médical. Ce ne sont donc que les cas identifiés, la partie émergée de l'iceberg."


Idèr NABILI

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