Le gouvernement britannique «déçu» mais «pas découragé»
Un volte-face qui a «déçu» la ministre de l'Intérieur Priti Patel. «J'ai toujours dit que cette politique ne serait pas facile à appliquer et je suis déçue que les contestations judiciaires et les réclamations de dernière minute aient empêché le vol d'aujourd'hui de décoller», a-t-elle déclaré mardi soir.
La ministre a jugé «très surprenant que la Cour européenne des droits de l'Homme soit intervenue malgré des succès antérieurs répétés devant nos tribunaux nationaux». «On ne nous découragera pas de faire ce qu'il faut et de mettre en oeuvre nos plans pour contrôler les frontières de notre pays», a-t-elle cependant averti, ajoutant que l'équipe juridique du gouvernement «examine chaque décision prise sur ce vol et la préparation du prochain vol commence maintenant».
Selon le quotidien conservateur The Telegraph, le gouvernement britannique pourrait reconsidérer son adhésion à la Convention européenne des droits de l'Homme afin de pouvoir mettre en oeuvre sa stratégie, malgré les critiques, de l'église anglicane jusqu'au prince Charles qui juge le projet «consternant», selon le Times. En attendant, pour le gouvernement le revers est cinglant. Les quotidiens Metro et Le Daily Mirror évoquent une «farce cruelle» tandis que le journal de gauche The Guardian souligne le «chaos» provoqué.
Une expulsion bloquée par la CEDH
A l'origine, les autorités comptaient expulser jusqu'à 130 migrants (Iraniens, Irakiens, Albanais ou Syriens) dans ce premier vol, un chiffre qui s'est réduit comme peau de chagrin à la suite de divers recours individuels.
Et dans un rebondissement de dernière minute, la CEDH a stoppé mardi soir l'expulsion d'un demandeur d'asile irakien, en prenant une mesure d'urgence provisoire. Une source de soulagement pour les associations de défense des droits des migrants qui jugent le projet du gouvernement cruel et inhumain.
Massive relief that tonight's planned flight to Rwanda will not be taking off.
— refugeecouncil (@Refugee Council 🧡)14 janvier 2022
La CEDH a estimé que l'expulsion de cette personne irakienne devait être repoussée jusqu'à ce que la justice britannique ait examiné la légalité du projet de loi, ce qui est prévu en juillet. Il s'agit en particulier de s'assurer que les migrants puissent avoir accès à des procédures équitables au Rwanda et que le Rwanda soit considéré comme un pays sûr.
Au Rwanda, dirigé par le président Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait 800 000 morts selon l'ONU, le gouvernement est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d'expression, les critiques et l'opposition politique.
Un programme de réinstallation des migrants
Avec son projet d'envoyer des demandeurs d'asile arrivés clandestinement au Royaume-Uni dans ce pays d'Afrique de l'Est, à plus de 6000 km de Londres, le gouvernement prétend freiner les traversées illégales de la Manche. Depuis le début de l'année, plus de 10 000 migrants ont traversé illégalement pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse par rapport aux années précédentes, déjà record. Plusieurs centaines sont arrivés ces derniers jours et mardi matin.
En vertu d'un accord avec Kigali, Londres financera dans un premier temps un dispositif à hauteur de 120 millions de livres (140 millions d'euros). Le gouvernement rwandais a précisé qu'il proposerait aux migrants la possibilité «de s'installer de manière permanente». Lors d'une conférence de presse à Kigali, la porte-parole du gouvernement Yolande Makolo a indiqué que le Rwanda serait «heureux» d'accueillir «des milliers de migrants».
Le gouvernement de Kigali a rejeté les critiques selon lesquelles le Rwanda n'est pas un pays sûr et que de graves violations des droits de l'Homme y sont monnaie courante. Mais les partis d'opposition rwandais se demandent si le programme de réinstallation fonctionnera, compte tenu du taux de chômage élevé chez les jeunes.