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Santé

A Marseille, les soignants portent un système de santé "mis à terre" par les non-vaccinés

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L'unité de soins intensifs Covid à l'hôpital La Timone à Marseille le 5 janvier 2022
L'unité de soins intensifs Covid à l'hôpital La Timone à Marseille le 5 janvier 2022
AFP - Nicolas TUCAT

"Sa survie, elle tient à cela": dans un service de réanimation à Marseille, un médecin montre un appareil oxygénant le sang d'un jeune homme atteint du Covid. Une des nombreuses hospitalisations que la vaccination aurait pu éviter, martèlent des soignants surmenés.

"C'est un patient non vacciné parce qu'il pensait qu'à 35 ans, il n'y avait aucun risque", mais "il ne faut pas croire qu'on n'est pas atteint par le Covid si on n'a aucune comorbidité", insiste le professeur Lionel Velly, chef du service anesthésie-réanimation de La Timone.

Le plus important centre hospitalier du sud-est de la France est en première ligne au moment où le pays a enregistré mercredi un record de contaminations avec 332.252 nouveaux malades.

A cet étage, sur les 20 lits de réanimation disponibles, cinq sont encore dédiés à des patients "non Covid".

"Ethiquement, il est impossible pour moi de prioriser un Covid face à un accident de la route", explique le médecin. Une équité d'accès aux soins encore possible dans ce grand CHU mais que bien d'autres hôpitaux de la région ne peuvent plus se permettre face à la 5e vague.

"Actuellement, le système de santé en région Provence-Alpes-Côte d'Azur et plus particulièrement dans les Bouches-du-Rhône est mis à terre à cause d'une population non vaccinée", alerte le médecin, qui a lancé, avec 700 autres confrères marseillais, un vibrant appel à la vaccination, à un niveau "dramatiquement bas" dans la deuxième ville de France.

A peine 60% de la population y avait reçu deux doses fin décembre, contre 77% à l'échelle nationale. Quatre arrondissements parmi les plus pauvres de la ville étaient même 30 points en dessous de cette moyenne nationale.

- Litres d'oxygène -

Dans un des box hermétiques de la réanimation, une femme de 60 ans trachéotomisée est en "sevrage respiratoire". Obèse, diabétique et hypertendue, "c'est une patiente qui aurait dû être vaccinée, ce n'était même pas discutable. C'est son médecin généraliste qui lui a dit de ne pas" le faire, regrette le professeur Velly, déplorant aussi la peur créée par les "fake news".

Marie-Josée Bouchet, 66 ans, elle aussi de manière surprenante découragée par son généraliste, reconnaît ne pas s'être fait vacciner par peur notamment des risques de thromboses. Atteinte du Covid, elle est désormais soignée à base d'oxygène haut débit au service de médecine interne.

Mise en place moyennant des investissements massifs, l'oxygénothérapie à haut débit a permis de désengorger en partie la réanimation. De 15 litres d'oxygène maximum par minute avant la crise sanitaire, le débit a pu être augmenté jusqu'à 60 litres pour aider les patients Covid à respirer.

Ce traitement reste toutefois lourd, un patient ayant évoqué à sa sortie l'impression qu'un train lui était passé dessus.

Dans le long couloir du service, seuls les écrans disséminés devant les portes fermées des chambres témoignent d'une trace de vie. Ils permettent aux seulement trois infirmières de l'unité de surveiller à distance les constantes des 24 patients: "C'est une charge de travail très conséquente", insiste Patrick Villani, qui gère les hospitalisations Covid conventionnelles à La Timone.

Comme en réanimation, où 90% des 41 patients présents ne sont pas vaccinés, cette unité de médecine interne compte "surtout des gens qui n'ont jamais rencontré le vaccin de leur vie, qui ont moins de 70 ans, qui se croient immunisés contre le Covid", précise Robin Arcani, chef de clinique.

- "Plus d'angoisse" -

Si les patients sont les premières victimes de cette absence de protection vaccinale - plus d'un tiers de ceux présents en réanimation ne survivent pas - les conséquences affectent l'ensemble de l'hôpital où les déprogrammations d'opérations sont légion.

"En temps normal, on opère cinq ou six malades par jour. Aujourd'hui, on en avait planifié trois et on a pu n'en faire qu'un" faute de blocs opératoires ouverts et de places en réanimation, constate Frédéric Collart, chef du service de chirurgie cardiaque de La Timone.

"On fonctionne au jour le jour, en fonction des patients très urgents qui ne peuvent pas attendre", ajoute-t-il.

Parmi eux, Thierry Baranger, 61 ans, arrivé mardi de Gap, à 200 km de Marseille, pour être opéré d'un pontage coronarien: "Ce matin, on m'a dit que l'opération était déprogrammée, que ça sera peut-être vendredi, peut-être, s'il y a de la place".

Et d'ajouter, le souffle court depuis son lit d'hôpital: "Il faudrait vite que l'opération se fasse, mais il faut attendre, donc ça met encore un peu plus d'angoisse".

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