Il n'est jamais simple de faire marche-arrière… C'est pourtant ce que propose un groupe de travail qui a remis en décembre à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, un rapport sur la réserve héréditaire. Parmi leurs préconisations, les spécialistes souhaitent voir supprimer la réserve héréditaire... du conjoint survivant. “Une erreur qu'il convient de réparer [...]”, appuient les experts. Même si ces derniers sont pleinement conscients “qu’il est difficile, pour le législateur, de revenir sur la création d'un droit présenté comme l'aboutissement d'une politique d'amélioration constante des droits successoraux."

C'est par un compromis législatif que le conjoint survivant - marié au défunt - a vu son sort changer par la loi du 3 décembre 2001. “Le compromis a consisté [...] à juxtaposer une réserve d’un quart en propriété et des droits spécifiques au logement”, détaillent Cécile Pérès, professeur de droit privé à l'université Panthéon-Assas et Philippe Potentier, notaire à Louviers (Eure) qui ont dirigé les travaux. Concrètement, avant cette réforme, si le défunt avait eu, par exemple, un enfant avec son conjoint, ce dernier n'avait le droit qu'à un quart des biens en usufruit. Depuis presque vingt ans, le conjoint survivant a - dans ce cas précis - le choix entre hériter de l'usufruit sur la totalité des biens ou accepter la propriété d'un quart.

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Si, sur le papier, cette réforme a pu sembler positive, elle fut en réalité mal ficelée selon les spécialistes. En cause, un dispositif mis en place qui ne correspond pas aux besoins matériels des veuves ou veufs. “Le conjoint survivant moyen est une femme, qui survivra quelques années à son époux, et dont la principale préoccupation est de maintenir ses conditions concrètes d'existence et son cadre de vie. Une réserve en propriété d’un quart ne permet généralement pas d'atteindre ces objectifs”, détaille le duo d'experts à Capital.

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Par ailleurs, les auditions menées par le groupe de travail ont fait émerger que “la réserve héréditaire du conjoint survivant est mal comprise et mal acceptée en pratique, notamment lorsque des personnes sans descendant ont hérité de leurs parents et qu'elles préféreraient que leurs frères et soeurs (ou leurs descendants) recueillent à leur mort l’ensemble de leur biens”. Il faut rappeler que lorsqu'il n'y a pas de descendant, le conjoint survivant est héritier réservataire, c’est-à-dire qu’il ne peut être écarté de la succession. La réserve héréditaire vient alors “porter atteinte au principe de la liberté des conventions matrimoniales qui permet aux époux de se marier sous le régime de la séparation de biens”, soulignent le duo Pérès-Potentier.

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Un filet de sécurité malgré tout ?

En dépit des failles dénoncées par le rapport, la réserve héréditaire du conjoint survivant pourrait être perçue comme un filet de sécurité financier pour celui qui vient de perdre sa moitié. Une position que ne partagent pas les auteurs du rapport qui précisent que “le conjoint survivant, qui se trouve dans le besoin, dispose d'une créance alimentaire impérative contre la succession (Code civil, art.767)”. Sans compter que le Code civil assure également un droit temporaire de maintien dans le logement et de jouissance du mobilier d'une durée d'un an après le décès.

Ce droit est renforcé par les articles 764 à 766 du livre rouge, qui permettent “au veuf ou à la veuve de conserver son toit jusqu'à sa propre mort”. Un droit qui peut toutefois être révoqué en amont par le futur défunt via une procédure contraignante qui l'oblige à passer devant un notaire. “Le rapport n'est en aucun cas animé d'une position de principe défavorable au conjoint survivant : c'est la réserve qui est inadaptée au lien conjugal”, tranchent Cécile Pérès et Philippe Potentier.

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C'est pourquoi, en parallèle de la suppression de la réserve, les experts préconisent de sécuriser davantage les droits au logement de la veuve ou du veuf. Autre proposition forte du rapport : “soumettre l’assurance vie au droit commun des successions”. Ce produit d’épargne, très apprécié des Français, est devenu au fil du temps un moyen de contourner la réserve successorale, ce que dénoncent avec force les notaires.