Le meilleur ami de l'Homme

on a encore rien inventé de mieux pour se déplacer que le vélo ©Getty -  sodapix
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En cette journée de grèves dans les transports, le vélo triomphe. Ce moyen de locomotion écologique méritait bien qu’on lui consacre une chronique.

A quel moment précis de son existence devient-on vieux ? Pour ma part, j’ai identifié le point de bascule à cet instant où, évoquant au bureau le palmarès inégalé de Bernard Hinault, je reçus de mes collègues cette seule réponse : ‘’Bernard qui ça ?’’. Il y avait donc sur terre des individus qui ignoraient l’existence du Blaireau.

La culture du cyclisme est défaillante. Elle est inversement proportionnelle à la place prise par le vélo. Prenez un taxi parisien, et donnez-lui pour seuls mots clés : ‘’Hidalgo’’ et ‘’pistes cyclables’’, et vous aurez droit au récit du grand remplacement de la voiture individuelle, à celui de la submersion de la chaussée par la bicyclette.

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La France est un pays centralisé. La preuve : par une curieuse réécriture de l’Histoire, les Parisiens font comme s’ils avaient inventé le vélo. Les déboires du Vélib’ prennent l’allure d’un drame national. Le Parisien sur sa machine réinvente constamment le code de la route, pourtant censé s’appliquer uniformément à l’ensemble du territoire. Il est daltonien une fois sur deux, ne reconnaissant que le vert : sur son deux-roues non motorisé, il ne voit pas les feux rouges.

Du moins l’était-il, non motorisé, jusqu’à il y a peu, ou alors le moteur était caché, invisible aux yeux des inspecteurs du tour de France, autant –j’imagine- par nécessité de tricher que pour l’excitation qu’il doit y avoir à dissimuler un mécanisme sophistiqué dans un objet aussi fin que le cadre d’un Peugeot. Ceux à assistance électrique n’ont pas cette délicatesse : ils revendiquent leur nature hybride, chimérique, le VAE est un transhumanisme.

Le vélo témoigne aussi du génie humain pour l’inutile. Les auteurs de ‘’Rétrofutur. Une contre-histoire des innovations énergétiques’’, exhument deux espèces aujourd’hui disparues : le cynophère, ‘’un tricycle actionné par la force motrice de deux chiens courant dans des roues, à la manière des hamsters’’, et le vélocipède-carrousel, ‘’un manège où plusieurs personnes sont installées et pédalent afin de donner un maximum de vitesse à la structure complète’’.

S’il se mettait à tourner trop vite, le vélocipède-carousel, finissait-il par s’envoler ? Le vélo en tout cas inspire l’aéronautique. Airbus envisage de faire voler ses avions commerciaux en peloton, comme dans les derniers hectomètres avant le sprint final : les appareils qui suivent profitent de l’aspiration de ceux qui les précèdent, ils consomment moins de kérosène. On a même vu, chez Spielberg, des vélos voler.

Plus terre à terre, le vélo cargo. Une publicité reçue hier après-midi dans ma boite mail m’assure qu’il ‘’a le vent en poupe ! Avec la possibilité de transporter jusqu’à 250 kg de charge utile ou bien d’amener ses 4 enfants à bon port à l’école, l’absence de métro ne se fera pas sentir ! Pendant les grèves, une solution : le vélo cargo !’’ On se souvient en passant que quelques années plus tôt, Christine Lagarde, alors ministre de l’Economie, recommandait, pour mieux supporter la hausse du prix de l’essence, de faire ses trajets à vélo.

Son successeur, Bruno Le Maire, faisait cette semaine l’éloge de la voiture devant la filière automobile : ‘’la voiture c’est la France, c’est notre culture’’. Il s’en vend pourtant moins chaque année que de vélos. D’où notre niveau d’intelligence collective. Car la voiture nous rend idiot : pas la bicyclette. Je pense donc je suis…à vélo.

Dans ‘’Le coureur et son ombre’’, le philosophe Olivier Haralambon, autrefois coureur cycliste, évoque ‘’l’intensité du plaisir que procure le fait de rouler à vélo’’ : ‘’s’en remettre à ses roues, c’est se percher sur d’intimes surfaces, si infimes qu’elles s’apparentent à des points quand les pneus sont gonflés dur, c’est se percher sur deux aiguilles qui glissent sur la route.’’

Le vélo défie les lois de la gravité : c’est son mouvement qui l’empêche de tomber. Immobile, il conduit à la chute. La chute : je l’ai trouvée ce matin, en venant à la radio…sur mon vélo

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