« Un vélo à hydrogène embarque deux fois plus d’énergie qu’un vélo électrique »

Fondateur de Pragma Industries, une PME basée à Biarritz, Pierre Forté nous parle du potentiel des vélos à hydrogène que fabrique sa société.
« Un vélo à hydrogène embarque deux fois plus d’énergie qu'un vélo électrique »

Fondateur de Pragma Industries, une PME basée à Biarritz, Pierre Forté nous parle du potentiel des vélos à hydrogène que fabrique sa société, et qui ont bénéficié d’une forte couverture médiatique à l’occasion du dernier sommet du G7, en août dernier.

C’était l’attraction du dernier sommet du G7, fin août, à Biarritz. Alors que les voitures étaient interdites le temps d’un week-end, des vélos à hydrogène de couleur blanche fourmillaient un peu partout dans la ville. Des vélos fabriqués par une PME locale, Pragma Industries, qui en a mis en circulation une centaine à Cherbourg, Chambéry, Bayonne et, donc, Biarritz. Nous avons posé quelques questions à son fondateur, Pierre Forté, pour en savoir plus sur ce moyen de transport tout juste émergent.

 

Usbek & Rica : On parle beaucoup des vélos électriques depuis quelques années. Pourquoi avoir choisi de produire des vélos à hydrogène ?

Pierre Forté : À la base, l’hydrogène se prête bien au transport lourd, par camion notamment. Sa densité énergétique est supérieure à la batterie électrique, elle permet donc de « stocker » plus d’énergie par kilogramme. Or, plus un véhicule est lourd, plus il consomme d’énergie au kilomètre… Une pile à combustible est bien plus légère qu’une batterie électrique.

J’ai pris le parti exactement inverse : j’utilise l’hydrogène pour la mobilité légère. Les vélos de Pragma Industries sont adaptés à ce qu’on appelle le free floating, un terme qui désigne ces flottes de vélos ou de trottinettes en libre-service (comme Jump à Paris), dont 70 % des coûts opérationnels sont liés à l’énergie et à la recharge. Des techniciens doivent se déplacer pour recharger ces véhicules. Or un vélo à hydrogène embarque deux, et bientôt trois fois plus d’énergie que son équivalent électrique. Il faut donc le recharger beaucoup moins souvent. De plus, le temps de recharge est très court, ça ne prend qu’une minute.

Pierre Forté, fondateur de la société Pragma Industries, devant l'un de ses vélos à hydrogène
Pierre Forté, fondateur de la société Pragma Industries, devant l’un de ses vélos à hydrogène. / © Pragma Industries

Votre vélo à hydrogène est-il vraiment une première mondiale, comme vous le prétendez ?

Des universités et des entreprises comme Hyundai ont déjà créé des prototypes, mais pour de simples démonstrations, sans intention de produire en série.

À 7 000 euros l’unité, le vélo à hydrogène est-il vraiment compétitif ?

La technologie coûte cher car nous produisons en petites quantités. Mais nous visons un prix unitaire de 4 000 euros d’ici un ou deux ans. Historiquement, les vélos et les trottinettes partagés ont été adoptés plus vite que toute autre technologie, plus vite encore que les réseaux sociaux… Donc je crois beaucoup à l’avenir des vélos à hydrogène en libre-service. Je prévois de déployer 25 000 vélos d’ici 2024.

« La longévité d’un vélo à hydrogène est plus importante et son empreinte carbone, deux fois moindre »

Sur le plan écologique, quel est l’intérêt de développer ce moyen de transport, sachant que 95 % de l’hydrogène mondial provient de gaz ou de pétrole ?

Dans une batterie de 4 kilos sur un vélo électrique, vous avez 3 kilos de métaux, contre moins d’un gramme pour la pile à combustible d’un vélo à hydrogène (le reste, c’est du graphite et de l’acier). Or l’industrie minière est la plus écotoxique au monde… Autre atout écologique, la durée de vie d’une piste à combustible est trois fois supérieure à celle d’une batterie électrique. Si vous raisonnez sur quatre ans, le coût pour une municipalité d’un vélo à hydrogène est identique à celui d’un vélo électrique. Sa longévité est plus importante et son empreinte carbone, deux fois moindre.

Comment vos vélos se sont-ils retrouvés au cœur du G7 de Biarritz ?

L’Élysée a souhaité organiser le premier G7 certifié « événement responsable » (ISO 20121). L’ambassadeur chargé de la préparation de la présidence française du G7, Jean-Pierre Thébault, cherchait à identifier des fournisseurs locaux et des solutions bas carbone, et on cochait les deux cases… Nous avons mis 200 vélos à disposition des journalistes. Vu que l’autonomie est de 150 km, nous n’avons jamais eu besoin de les recharger pendant les quatre jours du sommet. Avec des vélos électriques, cela aurait constitué un enfer logistique de charger les batteries ! Les vélos étaient équipés de puces GPS, avec deux points de dépose dans la ville. J’avoue que nous craignions la présence de Gilets Jaunes, de black blocs ou de séparatistes basques pendant l’évènement. Nos vélos allaient-ils finir sur des barricades ? Heureusement tout s’est bien passé.

Le président chilien a eu un coup de cœur pour votre innovation. Racontez-nous…

Le Chili ne fait pas partie du G7 mais son président, Sebastián Piñera, était invité en tant qu’organisateur de la COP 25 à Santiago, en décembre prochain. Il est venu observer l’organisation du premier G7 « vert » : bus électriques rechargés par panneaux solaires, bouteilles en verre recyclé, moquettes traitées avec des procédés « écologiques »… Et puis, le dimanche, il a enfourché un de nos vélos à hydrogène, et ça lui a beaucoup plu ! Entouré d’ambassadeurs, il m’a demandé si je pouvais lui en livrer 1 000 d’ici la COP 25. C’était surréaliste… et matériellement impossible, car nous n’avons que 200 unités en stock ! Les 800 suivantes seront livrées l’an prochain. Si tant est que la commande soit définitivement validée, ce qui n’est pas encore le cas…

Le président chilien Sebastian Pinera (à gauche, en chemise blanche) teste le vélo à hydrogène devant la Gare du Midi de Biarritz.
Le président chilien Sebastian Piñera (à gauche, en chemise blanche) teste le vélo à hydrogène devant la Gare du Midi de Biarritz.

La ville de Santiago dispose-t-elle des stations nécessaires pour recharger les vélos à hydrogène ?

On va fournir des stations de production d’hydrogène, en plus des vélos. Pour recharger 200 vélos, il faut une station (de la taille d’une place de parking) et 200 m2 de panneaux solaires pour l’alimenter, soit l’équivalent de seize places de parking. Le Chili bénéficie d’un bon ensoleillement, donc les conditions sont idéales.

Vous êtes vous-même féru de vélo ?

Pas particulièrement, mais passionné d’économie circulaire ! Et fan de Gunter Pauli, mon maître à penser en matière de développement durable (auteur notamment de L’économie bleue 3.0, aux éditions de l’Observatoire, 2019).

 

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Image à la une : © Pragma Industries

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